lundi 13 juin 2011

Les carnets du sous-sol, Dostoïevski



Ma note: 8,5/10

Voici un extrait de ce roman:
Je suis un homme malade… Je suis un homme méchant. Un homme repoussoir, voilà ce que je suis. Je crois que j’ai quelque chose au foie. De toute façon, ma maladie, je n’y comprends rien, j’ignore au juste ce qui me fait mal. Je ne me soigne pas, je ne me suis jamais soigné, même si je respecte la médecine et les docteurs. En plus, je suis superstitieux comme ce n’est pas permis ; enfin, assez pour respecter la médecine. (Je suis suffisamment instruit pour ne pas être superstitieux, mais je suis superstitieux.) Oui, c’est par méchanceté que je ne me soigne pas. ça, messieurs, je parie que c’est une chose que vous ne comprenez pas. Moi, si ! Evidemment, je ne saurais vous expliquer à qui je fais une crasse quand j’obéis à ma méchanceté de cette façon-là ; je sais parfaitement que ce ne sont pas les docteurs que j’emmerde en refusant de me soigner ; je suis le mieux placé pour savoir que ça ne peut faire de tort qu’à moi seul et à personne d’autre. Et malgré tout, si je ne me soigne pas, c’est par méchanceté. J’ai mal au foie. Tant mieux, qu’il me fasse encore plus mal !

Sans aucun doute, le roman le plus sombre de Dostoïevski et probablement un des plus sombres de la littérature du 19e siècle. Comme vous avez pu le lire dans cet extrait, un homme immensément malheureux déverse son fiel dans ce très court roman. Il est solitaire, vit en ermite dans un souterrain et il nous raconte son désespoir dans ses feuillets. Parce que ces carnets, c'est tout ce qui lui reste. Une vie ratée d'ancien fonctionnaire de 40 ans. Des tourments, des malheurs et il prend la plume pour se défouler. Et nous? Eh bien on assiste à tout cela impuissant avec une angoisse profonde tout au long du bouquin. C'est réussi. L'effet fonctionne à merveille et on ne veut plus quitter ce trop court récit.

Il y a peu de romans semblables parmi les classiques. C'est donc un roman précurseur de la littérature nihiliste du 20e siècle. Habituellement, avec cet auteur, il y a toujours un peu de lumière (souvent inspirée du christianisme) mais ici on est dans l'obscurité la plus totale de la condition humaine. On est dans les ténèbres.

Pour terminer, le seul défaut des carnets du sous-sol est sa brièveté. On peut le considérer comme la suite de la nouvelle "La logeuse" mais je n'avais pas lu cette dernière. Mais je le ferai, parce que ces carnets furent une lecture pour le moins essentielle. C'est trop court, mais oh combien intéressant !

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