jeudi 30 janvier 2014

La fonction du balai, David Foster Wallace


Ma note: 5/10

Voici la quatrième de couverture: La fonction du balai 1990, Cleveland, frontière du Grand Désert d'Ohio. Lenore Beadsman a des soucis : son petit ami et patron est un jaloux qui a plus de complexes que de cheveux, son arrière-grand-mère a disparu de sa maison de retraite avec vingt-cinq autres pensionnaires et sa perruche se met à débiter des inepties, devenant la star d'une chaîne de télévision chrétienne...Drôle et puissant, d'une liberté réjouissante, le premier roman d'une figure majeure de la littérature américaine enfin traduit. David Foster Wallace Né en 1962 dans l'Illinois, nouvelliste, auteur d'essais et d'un roman épique devenu culte, Infinite Jest (tous parus ou à paraître au Diable vauvert), D. F. Wallace s'est suicidé le 12 septembre 2008. Don DeLillo, Zadie Smith ou Jonathan Franzen ont salué un écrivain trop lucide et trop plein de compassion, l'un des plus influents de son temps...

****Paragraphe pour éviter de recevoir des insultes dans les commentaires**** Avant de débuter ma chronique, je dois dire que David Foster Wallace est un auteur culte, avec tout ce que cela implique. Premièrement, un mot à ses nombreux fans : vous n'avez pas besoin de m'insulter en commentaire parce que je connais votre immense amour, et surtout votre passion pour cet écrivain américain. Les fans de Wallace fouillent sur internet le moindre propos sur lui, qu'il soit bon ou mauvais. Tout ce qu'il a fait dans sa vie est recherché par ses fans et le site OpenCulture a même placé ses notes de cours sur leur site internet, celles qu'il avait pris dans un cours de comptabilité en vue d'écrire son roman "Le roi pâle". Quant à "La fonction du balai", il est seulement son premier roman et donc, c'est normal qu'il soit plus faible et aussi qu'il soit proche d'être tout simplement raté. C'est le premier roman de cet écrivain que je lisais, mais (pour ne pas brusquer ses fans), je suis persuadé que ce n'est pas son meilleur...

Alors, le roman débute en 1981 avec Lenore Beadsman, quinze ans, qui rend visite à Clarice, sa sœur. Elle est très intelligente Lenore. Elle saute des années et rentre à l'université sous peu. Elle rend visite à sa sœur pour visiter (un peu) l'université où elle compte étudier. Une discussion interminable entre elles et quelques autres jeunes filles s'engagent. Ensuite, nous plongeons en 1990 jusqu'à la fin du roman (à l'exception d'un chapitre en 1972). Lenore va voir son arrière-grand-mère, qui porte le même nom qu'elle, à la résidence pour personnes âgées qu'elle habite. Mais oh surprise elle a disparu avec 19 autres pensionnaires et 4 employés. Le père de Lenore est propriétaire du centre. Quant à cette grand-mère elle est une leader de nature. On saura plus tard que cette dernière les a entraîné dans "une quête de fonction ou de rejet symbolique de leur vie". Le titre du roman est d'ailleurs en lien avec cette "fonction". Ensuite, une partie écrite par le copain de Lenore nous apprend qu'ils se sont rencontrés dans la salle d'attente du thérapeute qu'ils consultent. Cette partie intéressante nous apprend aussi que l'arrière-grand-mère de Lenore suivit des cours de Wittgenstein, le plus grand philosophe du 20e siècle. Plus loin dans le roman nous avons différentes retranscriptions de la thérapie de ce couple.

Le roman change constamment de forme. Il devient un journal, une retranscription de thérapies, une conversation, des monologues, etc. Certaines parties sont écrites à la première personne, d'autres à la troisième, et on voit aussi des verbatim. C'est un roman satirique, ironique, drôle, mais d'une façon différente de ceux de Philip Roth ("Portnoy et son complexe" en particulier). L'influence de Thomas Pynchon se fait davantage sentir. Wallace pousse le postmodernisme plus loin en étant plus superficiel, plus satirique, plus ludique. Wallace s'intéresse aux détails de la vie quotidienne, le rythme de sa prose est rapide, impatiente. On retrouve une musicalité dans sa prose. Les dialogues, où Wallace se défend quand même bien, sont abondants. Traduire un tel roman doit être une tâche colossale et sur ce point, c'est plus ou moins réussi. Les personnages n'ont aucune profondeur, mais cela ne m'a pas causé de problème notamment parce que le postmodernisme ne fait pas grand cas du réalisme et de la profondeur des personnages. Quelque-uns de mes romans préférés ont des personnages sans vitalité : "Les détectives sauvages" de Roberto Bolaño et "L'année de la mort de Ricardo Reis" de Saramago. La superficialité des personnages ajoute parfois un élément intéressant d'analyse, de même qu'une certaine "étrangeté". Quant à mes déceptions, j'ai trouvé les thèmes inintéressants (celui des jeunes adultes américains est éculé, de même que "la marginalité"). De plus, le vocabulaire de David Foster Wallace est très faible et l'on se demande s'il écrit trop vite. L'humour plat m'a aussi désenchanté de même que les lieux communs utilisés par la grande majorité des écrivains américains (et leurs références à la culture de masse comme les talks shows de fin de soirée, les marques (Nike, Apple, etc.)). Bien que son but soit de critiquer tout cela, il tombe dans le piège de la facilité en ne travaillant pas assez son écriture pour y apporter une poésie comme le fait, entre autres, Don DeLillo. Il n'y a rien d'universel dans la prose de David Foster Wallace contrairement à celle de DeLillo.

L'auteur est très populaire sur les campus américains, encore plus que mon écrivain préféré, Roberto Bolaño. Bret Easton Ellis, que je critique souvent sévèrement, disait que David Foster Wallace était à la recherche d'une grandeur qu'il ne pouvait tout simplement pas atteindre. Ce premier roman semble lui donner raison, moi qui n'ai jamais lu ses autres livres, comme je vous le disais plus haut. Je crois que Wallace essaie de compliquer inutilement un sujet (et une intrigue) simple, et cela devient moins intéressant que son idée de départ. Ses longues phrases labyrinthiques ajoutent un élément déstabilisant mais le vocabulaire et le style qui en découle ne fait vibrer aucunement notre sensibilité. Il a tous les défauts d'un premier roman : le désir d'imiter (surtout Pynchon), l'intrigue qui manque de subtilité, il "dit" au lieu de "décrire" et ainsi, les ficelles deviennent envahissantes. Je ne suis pas surpris que ce soit surtout les jeunes universitaires qui aiment Wallace parce que sa prose est à mille lieues des classiques, sans poésie, avec une esthétique contemporaine, ce qui n'est pas une qualité à mes yeux. Cela devient simpliste et non travaillé.

Finalement, même si les écrivains préférés de David Foster Wallace sont Don DeLillo et Cormac McCarthy, je le rapproche beaucoup plus de Thomas Pynchon, un autre écrivain qui me donne de la difficulté bien que je reconnaisse son immense talent contrairement à Wallace. Harold Bloom, mon idole, dit que Wallace est incapable de penser et donc, qu'il n'est pas capable d'écrire. Il dit même que Stephen King, qu'il déteste aussi, est un Cervantes si on le compare à Wallace. Un jugement d'une extrême sévérité que je m'attendais à réfuter en lisant Wallace. Malheureusement, "La fonction du balai" prouve plutôt ses dires.

jeudi 23 janvier 2014

La littérature nazie en Amérique, Roberto Bolaño


Ma note: 7,5/10

Voici la quatrième de couverture: Ce roman est constitué d'une trentaine de biographies traitant d'auteurs du XXe siècle ayant en commun leur fascination pour le fascisme ou le nazisme. On trouvera ainsi la biographie d'une famille d'admirateurs argentins d'Adolf Hitler, celle d'un prédicateur poète nord-américain, celle d'un Guatémaltèque absolument inculte qui écrit de la science-fiction " aryenne ", celle d'un Chilien d'origine allemande dont l'œuvre gravite autour des plans de camps de concentration, celle d'un Cubain, cryptographe, anticastriste et pronazi... Mais cette parodie grinçante s'en prend aussi à certaines réalités sud-américaines, et ne constitue pas un simple exercice de vertige littéraire.

Contrairement à ce que laisse entendre le titre et même la quatrième de couverture, ce recueil de nouvelles de Bolaño est totalement fictionnel et donc, les biographies présentées sont fausses. Par contre, on sait que plusieurs sympathisants nazis se trouvaient en Amérique du sud et de plus, plusieurs bourreaux nazis s'y sont réfugiés. Il y a quelques biographies d'écrivains d'Amérique du nord aussi.

Parmi les biographies marquantes, il y a celle de Ignacio Zubieta et de Jesus Fernandez-Gomez qui sont présentes sous le titre "Les héros mobiles ou la fragilité des miroirs". Le premier (et le deuxième aussi) est Colombien, jeune homme parfait qui part vivre en Espagne (comme Bolaño lui-même l'avait fait) après avoir écrit un recueil de vers congoriens. Tout lui réussit. Il parcourt l'Europe et le nord de l'Afrique. Fernandez-Gomez le rejoint finalement à Paris. Ils visitent le club de polo et les soirées antiques. Mais à la surprise de tous, ils s'engagent dans l'armée franquiste et encore là, tout sourit à Zubieta. Les deux amis Colombiens mènent donc une vie de militaires et d'écrivains ratés. En fait, même si tout sourit à Zubieta, il demeure un écrivain raté. Quant à Fernandez-Gomez le titre d'écrivain raté s'accompagne d'un anonymat jusqu'à trente ans après sa mort. Bref, je crois que Bolaño a voulu montrer, à travers ces deux hommes, que parfois nos choix ne répondent pas d'actes sensés, qu'ils sont conditionnés par l'extérieur, par une sorte de force qu'on ne maîtrise pas.

Voici donc un livre intéressant pour les très grands fans de Bolaño, notamment pour le placer en contexte dans son œuvre global mais aussi, pour voir un exercice de style de Bolaño, comment il parvient à écrire de courtes biographies et les glisser dans ses romans. Alors oui, nous sommes face à un pur exercice de style qui rebutera les non-initiés de Bolaño, ceux qui ont été attiré par le titre un peu trompeur. Pour lire Roberto Bolaño, on doit impérativement commencer par "2666" et certainement pas par celui-ci. Le recueil semble être un peu inspiré par Borges, en ce sens qu'il est principalement de la littérature sur la littérature et ainsi, l'imaginaire prend le pas sur tout et la réalité tronquée ne devient qu'une pauvre victime. Les biographies, regroupées par thème, donne un résultat expérimental, et à ma connaissance c'est la première et seule fois que ce thème (le nazisme) est traité de cette façon avec cette forme (et formule) littéraire. Ces biographies rappellent un peu la profusion de détails sur les assassinats de jeunes femmes à Ciudad Juarez dont traite l'écrivain dans "2666". Le style est le même. Mais ici, Roberto Bolaño, marxiste, s'en prend à la tendance fasciste et la recherche de pouvoir de certains de ses collègues écrivains. De plus, il a une haine pour les écrivains qui terminent leur carrière en se couchant devant le pouvoir corrompu, et "La littérature nazie en Amérique" en est une bonne allégorie.

Patti Smith, la vedette et rockeuse punk, a déjà dit que la littérature de Roberto Bolaño était liée avec elle par les liens du sang, tellement elle était en admiration devant cette littérature éternelle. C'est un peu la même chose pour moi, il est mon écrivain préféré depuis le tout début, dès les premières phrases que j'aie lues de lui. Dans l'histoire, je le place sur un pied d'égalité avec Cervantes, Goethe, Dostoïevski et Beckett (pour choisir un écrivain par siècle). La plupart des lecteurs trouveront cette lecture inutile mais comme le disait Schopenhauer, les plus beaux arbres ne sont pas nécessairement ceux qui donnent des fruits...

mercredi 15 janvier 2014

L'année de la mort de Ricardo Reis, José Saramago



Ma note: 9/10

Voici la quatrième de couverture: Ricardo Reis est l'un des hétéronymes du grand poète portugais Fernando Pessoa. Créature imaginaire, qui pourtant s'inscrit dans la réalité en signant une oeuvre poétique importante, il devient, sous la plume de José Saramago, le personnage central d'une fiction romanesque. Dans une Lisbonne changeante, que les reflets du Tage font parfois paraître comme irréelle, Ricardo Reis poursuit une quête d'identité où se mêlent le vrai et le faux ; les morts côtoient les vivants, les sages, les fous, en un mystérieux jeu de miroirs. En choisissant le thème du double, José Saramago interroge les relations entre la littérature et le mythe, le mensonge et l'Histoire, et nous donne à lire un roman étourdissant.

Une idée merveilleuse de José Saramago. Il a pris un hétéronyme de Fernando Pessoa (l'autre grand écrivain portugais) et en a fait le personnage principal de ce roman. Un hétéronyme est un pseudonyme, une sorte d'alter ego littéraire, et un auteur l'utilise habituellement pour écrire dans une forme ou un genre en particulier. Saramago a une vaste conscience, un génie qui le place parmi les plus grands romanciers, sinon "le" plus grand de l'après-guerre. Son œuvre tardive (parce que Saramago a écrit très tard dans sa vie, une autre facette exceptionnelle de sa personne) est aussi vaste que sa conscience. Une œuvre foisonnante, originale, marquante, où son génie apparaît, outre par son style irréprochable, dans l'abondance de ses thèmes et où chaque roman a sa spécificité, sa particularité, son propre univers.

Dans "L'année de la mort de Ricardo Reis", les descriptions foisonnantes nous happent dès le début du roman. Aussi, le personnage principal est une double fiction, d'abord en étant l'hétéronyme de Pessoa et ensuite, ici, en étant le personnage que Saramago met en scène. L'auteur place son décor dans une ambiance sombre, ténébreuse. Un mystérieux voyageur arrive à Lisbonne. Il dit être là pour affaire. Mais il ment. Ce voyageur, c'est Ricardo Reis. Réel ou non, peu importe parce qu'on croit qu'il l'est. Il a 48 ans, il est médecin et poète, et sa dernière adresse est à Rio de Janeiro au Brésil. Ricardo est à l'hôtel, la pluie ne cesse pas. Il observe beaucoup plus qu'il ne parle. Il semble vouloir décroître pour retourner là où il vient. Mais pas tout à fait non plus. Il est venu après la mort de Fernando Pessoa pour prouver son identité et surtout pour la trouver. Saramago fait un ultime hommage à Pessoa. Il fait vivre son double ! Ricardo va voir la tombe de Fernando. Ricardo est parfois poète mais souvent il vit comme un simulacre d'humain. L'ambiance du roman demeure toujours très sombre (cela m'a rappelé le génial "Molloy" de Beckett). Le style d'écriture qui accompagne cette noirceur est supérieur à la grande majorité des romans que j'ai lus dans ma vie. C'est du postmodernisme à son meilleur ! Ensuite, pour revenir au résumé, Ricardo découvre le Portugal en poète-médecin qu'il est, il rencontre son créateur mort, nul autre que Fernando Pessoa. Pourra-t-il survivre malgré la mort de Dieu, de Pessoa ? Et l'œuvre est-elle plus forte que l'écrivain ?

Ricardo Reis est comme une ombre de Fernando Pessoa. Allégoriquement, une qui veut se cacher, disparaître aux confins de la littérature, qui ne veut supplanter son maître et son Dieu Pessoa. Reis ne devient jamais vraiment humain, ce qui rend encore plus fort ce personnage romanesque. C'est le meilleur roman de Saramago que j'aie lu, encore mieux que "Manuel de peinture et de calligraphie". Le personnage principal fait le roman à lui seul, et la forme, le style, complète ce livre qui est un chef-d'oeuvre selon moi. Je n'ai encore jamais lu Pessoa. Ni lui, ni ses hétéronymes alors que le présent roman est, paraît-il, criblé de références à son œuvre. Par contre, ce que j'ai perdu là, je l'ai gagné en découverte, en fraîcheur, en évasion. De plus, ce que j'aime avec Saramago et la plupart des autres grands écrivains se retrouvent ici : un style époustouflant, une force d'évocation, une fluidité, une intelligence, une sagesse. Avec une idée aussi forte sur le thème du double, Saramago réussit à écrire un roman aussi puissant que son idée de départ.

mardi 7 janvier 2014

Le procès-verbal, J.M.G. Le Clézio


Ma note: 8/10

Voici la quatrième de couverture: «On me reprochera certainement des quantités de choses. D'avoir dormi là, par terre, pendant des jours ; d'avoir sali la maison, dessiné des calmars sur les murs, d'avoir joué au billard. On m'accusera d'avoir coupé des roses dans le jardin, d'avoir bu de la bière en cassant le goulot des bouteilles contre l'appui de la fenêtre : il ne reste presque plus de peinture jaune sur le rebord en bois. J'imagine qu'il va falloir passer sous peu devant un tribunal d'hommes ; je leur laisse ces ordures en guise de testament ; sans orgueil, j'espère qu'on me condamnera à quelque chose, afin que je paye de tout mon corps la faute de vivre...»

Le procès-verbal est le roman qui aura fait connaître le futur Prix Nobel de littérature J.M.G. Le Clézio. Il est un excellent écrivain français contemporain, ce qui est rare. Ce roman lui apportera le Prix Renaudot alors qu'il était encore au début de la vingtaine, un autre exploit pour cet auteur.

Adam Pollo est un jeune homme peut-être sorti d'une clinique psychiatrique qui vit reclus dans une maison qu'il habite clandestinement. Le peu de gens qu'il connaissait pensent qu'il est mort, il a tout plaqué pour vivre seul. Il vivait en ville, il vit maintenant à la campagne. Il écrit à une certaine Michèle (imaginaire ?). Adam imagine trop, il vit dans ses pensées, ses hallucinations. Il semble être aussi déserteur de l'armée. En fait, il se demande, et nous aussi, s'il sort de l'asile ou de l'armée. Je me demande même s'il y a une différence entre les deux. L'énigmatique Michèle vient le rencontrer. Adam devient de plus en plus spécial, il vit des aventures dans un monde qu'il ne fréquente plus. Il correspond de nouveau avec Michèle et dans la deuxième moitié du roman, Adam s'enfonce encore plus dans les ténèbres de sa folie.

C'est le roman le plus intimiste de Le Clézio que j'aie lu. Le premier roman d'un écrivain est souvent semi-autobiographique et l'on se demande si celui-ci est de cette nature. Subséquemment, Le Clézio a davantage écrit sur l'évasion, sur le voyage, sur la découverte. Il écrivit toute sa carrière sur le "sortir" de soi, pour mieux découvrir son "moi". Dans "Le procès-verbal", c'est surprenant à quel point le style, la forme, le propos sont traités avec grande maturité par un jeune homme dans la vingtaine. On retrouve quelques thèmes de "Moon Palace" de Paul Auster. La solitude, les hallucinations, la délivrance, entre autres. L'histoire est aussi un peu la même : un jeune homme complètement reclus et qui redécouvre ensuite le "dehors" pour répandre une certaine "bonne nouvelle" qu'il s'est construite de l'intérieur. "Le procès-verbal" est un des nombreux romans qui développent le sujet d'un homme désoeuvré et surtout décalé du monde qui, à défaut de pouvoir bien vivre dans la société, prend la voie de la marginalité. Mais lorsque cette idée est bien amenée, et que le livre est bien écrit, comme c'est le cas ici, la répétition de la chose devient moins oppressante. Avec un style d'écriture proche de la poésie, Le Clézio parvient dès ce premier roman à faire sentir sa forte présence littéraire et on a la surprise de constater qu'un premier roman (d'un très jeune auteur) peut être parfaitement mené à terme.