vendredi 28 décembre 2012

Ulysse, James Joyce



Ma note: 6/10

Voici la quatrième de couverture: Une première traduction de l'Ulysse de James Joyce, de la plume d'Auguste Morel, assisté à des degrés divers par Stuart Gilbert, Valery Larbaud et l'auteur, a vu le jour en 1929 à La Maison des Amis des Livres d'Adrienne Monnier. Elle a donc dépassé "l'âge antédiluvien maximum de 70 ans", que James Joyce prend soin de rappeler dans son livre après avoir dûment établi l'étroite correspondance entre la littérature et l'existence humaine... La présente traduction s'adresse, elle, aux générations d'aujourd'hui, pour lesquelles la lecture, l'écriture, et leur intrication, constitutive de la tradition littéraire, introduisent à un univers autre, textuel, marqué par la diversité et la polyphonie. Ce parti explique le choix fait des traducteurs : un tiers de ces pages a été traduit par des écrivains, un autre par un traducteur littéraire, un troisième par des universitaires. La coordination et l'harmonisation de l'ensemble ont été assurées par Jacques Aubert.

Cette nouvelle traduction ne m'a pas impressionnée. Même si je ne peux comparer avec la traduction originale et le texte en anglais (que je n'ai pas lus), la présente traduction, écrite par plusieurs traducteurs, souffre d'un manque de cohérence et elle ne forme pas un tout, en ensemble, une totalité. Il y a même un traducteur qui utilise une quantité de "quoique et quoi que" et ainsi, par moments, la seule chose qui nous reste dans la tête c'est "quoique quoi que quoique quoi que"....

Cet "Ulysse" de James Joyce est décrit par Dany Laferrière comme le pire des classiques. Je n'irai peut-être pas jusque-là - notamment parce que "Le rouge et le noir" de Stendhal est d'une platitude rare - mais c'est qu'"Ulysse", qui fait 1200 pages et que je me suis fait un devoir de lire jusqu'au bout, n'est pas une oeuvre facile à lire. De plus, il n'est pas si bien écrit que sa réputation le laisse croire, ni aussi profond que les analystes littéraires veulent bien le dire.

C'est un exercice de style cet "Ulysse". Sur certains points il m'a fait penser à "Belle du seigneur" d'Albert Cohen (un autre classique à éviter selon moi). Il a aussi un certain côté de l'"Attrape coeur" de Salinger en ce sens que les deux romans tournent autour de personnages un peu déphasés et l'action des deux romans se déroulent sur une courte période (une journée pour "Ulysse" et trois jours pour "L'attrape coeur").

La construction du roman sauve, en quelque sorte, son manque d'imagination. Chaque partie à une construction différente. On se retrouve donc avec une prose classique à certains moments et moderne à d'autres. Une partie du roman est écrite sous forme de pièce de théâtre et une autre est entrecoupée de titres en référence à l'oeuvre d'Homère. Quelquefois on est dans le dialogue intérieur et d'autres fois, on est dans les descriptions typiques du roman. Bref, l'écriture coule, c'est une force de ce roman, et James Joyce allie l'écriture érudite à un modernisme très vingtième siècle.

En terminant, on doit reconnaître qu'"Ulysse" a influencé tout le restant du 20e siècle. Paulo Coelho dit qu'il a été dommageable pour la littérature, parce qu'il a épuré la bonne histoire du roman (en général). Il y a certainement une banalité (voulue) qui se dégage de cette oeuvre, mais je n'ai pas perdu mon temps non plus.

jeudi 20 décembre 2012

Le supplice du Santal, Mo Yan



Ma note : 8,5/10

Voici la quatrième de couverture: En 1900, une révolte éclate sur le chantier de la voie ferrée construite par les Allemands à travers le Shangdong. Autour de Meiniang, la plus belle fille du canton de Gaomi, se nouent les destins de quatre hommes : son père, Sun Bing, chanteur d'opéra traditionnel à voix de chat et héros rebelle, son mari Petit-Jia, boucher stupide et rêveur, son amant le sous-préfet Qian Ding et son beau-père Zhao Jia, bourreau officiel, dignitaire de l'Empire. Le sous-préfet est contraint d'arrêter le chanteur rebelle et de le livrer à la plus cruelle des tortures, le supplice du santal. Parce qu'il considère cette mise à mort comme le couronnement de sa carrière, le bourreau, Zhao Jia, met tout son soin à la préparer, rappelant à son souvenir toutes les sentences qu'il a exécutées, mettant en scène le dernier spectacle. Bâti comme un opéra classique, lyrique et virtuose, ce livre des supplices dépeint les derniers feux de l'univers traditionnel chinois. La mort de l'empire Qing méritait ce traitement grandiose. Dans un savoureux mélange de violence et de tendresse, d'humour féroce, de truculence et de noirceur, se découvre à nouveau le goût prononcé de Mo Yan pour les jeux de contraste. Son art est renouvelé de plus belle, plus affirmé que jamais. Il allie, avec un brio extraordinaire, la profondeur d'une réflexion universelle et la modernité d'une forme littéraire surprenante.

Mo Yan écrit comme un dieu. Pourtant, j'avais peur ! Peur que le Nobel de littérature ait récompensé pour une des premières fois un romancier moins talentueux et qu'il voulait absolument le donner à un Chinois étant donné qu'il est le premier originaire et résident de la Chine à recevoir ce prestigieux prix. De plus, les critiques ont été sévères à son endroit lorsqu'il a reçu le prix, notamment celles d'Herta Müller. Elle l'accusait de plier face aux autorités chinoises. En fait elle semblait vouloir censurer un auteur qui vit dans un pays où la censure sévit.

Pour ma part, je ne me soucie pas de quelle censure un auteur peut être victime. Tout le monde est soumis à une certaine censure et comme le disait Mo Yan, la liberté d'expression n'est jamais totale. Un écrivain est bon ou ne l'est pas. Et Mo Yan en est un exceptionnel. Il ne limite pas son esthétique (du roman) à son style d'écriture, mais nous offre avec "Le supplice du Santal" un roman à la forme recherchée. Différents narrateurs nous sont présentés et au coeur du roman un narrateur omniscient - même si l'auteur lui-même affirme que ce n'est pas vraiment un narrateur omniscient mais davantage une voix orale et populaire - qui développe un drame social dans un univers, au début et à la fin, plus personnel et intime. On pourrait ainsi le rapprocher du "Résurrection" de Tolstoï qui lui, avait raconté une histoire intimiste au début de son roman et cela débouchait sur un récit social.

Ce roman est opéra, il se rapproche aussi un peu du réalisme magique de Garcia Marquez mais avec la saveur chinoise et comme l'écrivait le comité du Nobel, la littérature de Mo Yan nous offre un réalisme hallucinatoire. Le roman est écrit pour le peuple selon l'auteur lui-même, et personnellement, il est un des romans les plus imaginatifs et profonds que j'aie lus. Mais par-dessus tout, c'est sa plume qui marque. Les métaphores se rapportant aux animaux donnent une couleur rarement vue dans la littérature occidentale et Mo Yan réussit là où la plupart des auteurs échouent, c'est-à-dire à nous livrer un roman foisonnant et merveilleusement écrit. C'est du grand art !

mercredi 12 décembre 2012

Une vie divine, Philippe Sollers



Ma note: 8/10

Voici la quatrième de couverture: «Ludi est une merveilleuse menteuse. C'est d'ailleurs la phrase que je me suis murmurée au bout de trois ou quatre rencontres : "merveilleuse menteuse". Mère en veilleuse, très bonne menteuse. Il suffit de la voir, là, bien blonde épanouie aux yeux noirs, cheveux courts, avec sa robe noire moulante, sur la terrasse de cet hôtel, en été. Elle est fraîche, bronzée, elle sait qu'elle se montre, elle laisse venir les regards vers elle, elle s'en enveloppe comme d'une soie. Oui, je sais, elle vous dira qu'elle a pris deux kilos et que c'est dramatique, mais non, justement, elle est parfaite comme ça, rebondie, ferme, ses seins, son ventre, ses cuisses évoquent aussitôt de grands lits ouverts. Ah, ce croisement de jambes, ses fesses lorsqu'elle va au bar, sa façon de sortir et de rentrer et de ressortir et de rerentrer son pied de son soulier gauche - la cheville, là, en éclair -, et puis de rester cinq secondes sur sa jambe droite, et de recommencer, rentrer-sortir, rentrer-sortir, comme pour dire j'ai trouvé chaussure à mon pied, et c'est moi, rien que moi, venez vous y frotter si vous croyez le contraire. Son corps se suffit à lui-même et elle n'a pas à s'en rendre compte. Il dit tout ce qu'il y a à dire, mais elle ne pourrait pas le parler.»

Le nom de Schopenhauer n'apparaît, pour la première fois, qu'à la moitié du roman. Il était temps ! Ce roman sur la vie de Nietzsche, mon préféré jusqu'à maintenant de Sollers, ne pouvait passer outre Schopenhauer. Pourtant, je crois que ce n'était pas l'envie qui manquait à Sollers de le rayer de son roman. Il est très critique du nihilisme, se venge contre Houellebecq, on sent bien la jalousie qu'il a d'avoir moins de talent que Michel, et il semble frustré de la grande influence qu'a eue Schopenhauer, et plus particulièrement sur Nietzsche. Il ne parle même pas que Nietzsche ne cessait de répéter que le seul philosophe qui l'a influencé, le seul à avoir un quelconque intérêt, c'est le maitre Arthur. Bien sûr qu'après il s'en est distancé pour fonder sa propre philosophie et par le fait même, il assassinait la métaphysique de Schopenhauer. On ne peut pas trouver une philosophie plus éloignée de celle de Schopenhauer que celle de Nietzsche. Schopenhauer détruit la vie, alors que Nietzsche la célèbre. La philosophie de Schopenhauer est basée sur la pitié, la compassion, alors que celle de Nietzsche a pour base le surhomme, la volonté de puissance. Vous aurez compris - ou pas - que je me range du côté de Schopenhauer alors que Sollers, et son roman, se range sur celui de Nietzsche. Il est parfois bon de confronter son opinion, ses intérêts, sa pensée.

Très bien écrite, surtout les cent premières pages qui sont parmi les meilleures pages que j'aie lues dans ma vie, cette biographie romancée sur Nietzsche est un incontournable, selon moi, pour qui s'intéresse au grand philosophe. Et c'est même davantage qu'une biographie romancée, parce que le narrateur - on pourrait même dire Philippe Sollers lui-même - entremêle sa propre vie avec Nietzsche et l'appelle M.N. pour Monsieur Nietzsche. Cela donne au roman une petite touche postmoderne. La première moitié de ce bouquin de plus de 500 pages est consacrée à tisser les liens de ces existences, celle de Nietzsche, du narrateur, de Sollers, et cela devient de plus en plus conséquent plus le roman avance, plus il prend forme.

Contrairement à mes lectures précédentes de cet écrivain - je parle du "Secret", "Les voyageurs du temps" et "La Fête à Venise" - ici il y a un fil conducteur à l'histoire (la vie de Nietzsche) et Sollers ne s'égare pas trop. Bien sûr qu'il parle de sujets plus ou moins rattachés à Nietzsche, ici et là, mais en général, il s'en tient à son sujet. Et pour le côté moins plaisant de notre lecture, Sollers continue à prendre son lecteur pour un imbécile en l'attaquant, en le prenant de haut, en étant tout simplement déplaisant.

dimanche 9 décembre 2012

La Fête à Venise, Philippe Sollers



Ma note: 7,5/10

Voici la présentation de l'éditeur: Que fait au juste Pierre Froissart, écrivain clandestin, l'été, dans un petit palais de Venise ? Pourquoi est-il accompagné de cette jeune physicienne américaine, Luz, avec laquelle il a l'air de si bien s'entendre ? Activités illégales ? Drogue ? Trafic d'œuvres d'art ? Mais quel est alors le réseau international qui l'emploie, lui et certains de ses anciens amis ? Et que représente au fond cette toile de Watteau qu'il doit acheminer vers son but secret ; cette peinture célèbre et recherchée qui donne son nom au roman et l'entraîne peu à peu, comme d'elle-même, dans une révélation de l'Histoire ?

Avant de m'embarquer dans la lecture de Sollers, j'avais déjà entendu qu'il écrivait sans cesse le même roman. Que l'on pouvait changer les titres mais que le contenu restait le même. Et après avoir lu trois livres, j'en ai la preuve. De plus, ce ne sont pas de véritables romans. L'aspect fiction disparaît derrière une suite sans fin de digressions. L'esthétique du roman est faible, l'histoire en tant que telle est mince et la personnalité déplaisante de l'auteur transparaît derrière sa prose prétentieuse. Certes, Sollers est érudit, mais avec un récit aussi mince, on ne peut pas dire que c'est de la grande littérature.

Lors de mes critiques de Sollers, je le comparais avec Kundera, du moins, il avait un peu le même genre de digressions. Par contre, je crois que Kundera sera encore lu dans cent ans, ce qui n'est pas le cas de Sollers. Sollers ne fait que parler des "autres", notamment dans "La fête à Venise", où il nous parle encore une fois de Nietzsche, de Freud, de Proust, de Kafka, de Stendhal, de Joyce, de Rimbaud. Et même de grands compositeurs comme Mozart. Mais comme pour "Les voyageurs du temps", ce sont les peintres qui prennent le haut du pavé et plus particulièrement Watteau. Il semble être la référence principale de Sollers. Et en plus de citer tous ces artistes, il nous parle sans cesse de leur biographie. Bref, cette fête à Venise n'aborde presque pas Venise mais bien les mêmes thèmes que ceux d'un autre roman de Sollers que j'avais lu, "Les voyageurs du temps".

Pour faire le lien entre l'artiste peintre, la fiction, le roman, etc., le "Manuel de peinture et de calligraphie" de José Saramago est de loin supérieur. Contrairement à Sollers, il a réussi à créer une ambiance romanesque entre l'artiste et le roman. Un nihilisme délectable se dégageait du roman de Saramago, alors qu'une prétention se dégage de celui de Sollers. C'est ce qui différencie un Nobel d'un Médicis.

Cependant, pour conclure, je dois dire que, personnellement, j'aime bien les bouquins de Sollers. J'aime lire sur l'art, tant littéraire, poétique, que dans le domaine des beaux-arts. Et cet écrivain en fait une obsession, ce qui n'est pas pour me déplaire. Ici, je croyais réellement qu'il allait nous entretenir sur la Ville de Venise, mais non, il poursuit sur sa lancée et il écrit sur des sujets qu'il affectionne.

samedi 1 décembre 2012

Les voyageurs du temps, Philippe Sollers



Ma note: 7,5/10

Voici la présentation de l'éditeur, tirée du roman: «Je viens du Centre de tir. Quelques bavures pour commencer (fatigue, souffle court), et puis précision. Je ne sais plus quel poète américain a écrit ces deux vers : "Paradis calme/Au-dessus du carnage". C'est mon état d'esprit à l'entraînement. En haut, si j'arrive à penser le moins possible, ciel bleu, calme lumineux. En bas, explosion et larmes. Je me concentre sur le mot "mot". Je le vois là-bas, dans la ligne de mire. Il respire un peu, il grandit, c'est lui que je vise, que je veux toucher et trouer. MOT. Avec une lettre de plus, c'est MORT. En anglais, ça ferait WORD et WORLD. Je tire sur la mort, je tire sur le monde. Petite plaisanterie, mais qui fait du bien. Ma voisine de stand, Viva, me félicite d'avoir mis dans le mille. Je ne sais rien de ses activités, ni elle des miennes. On se sourit, ça suffit.»

Après "Le Secret" de Philippe Sollers, je me lance dans un de ses romans les plus récents, "Les voyageurs du temps". Je me demandais bien qui ils étaient ces voyageurs du temps. Et encore une fois le parallèle avec l'oeuvre de Kundera est fort, notamment parce que ce dernier avait écrit un roman semblable, "L'immortalité". Un des meilleurs romans qu'il m'ait été donné de lire, alors ces voyageurs du temps avaient beaucoup à faire pour rivaliser avec celui de Kundera.

Et comme je m'y attendais, il n'arrive pas à la qualité du premier. Contrairement à "L'immortalité", ici l'histoire du roman est réduite à sa plus simple expression. J'avais dit du "Secret" qu'il était davantage un essai sur l'histoire des idées. Avec "Les voyageurs du temps" on est en présence d'un essai sur l'art en général et la littérature en particulier. Entre autres, l'écrivain Sollers nous parle, sous forme de petits paragraphes discontinus, des écrivains qui l'ont marqués et de quelques anecdotes de leur vie personnelle. Présenter ce livre comme un roman est de la fausse représentation. C'est un essai et rien d'autre. Et pour rester sur le cas Kundera, j'ai lu dernièrement ses essais sur la littérature et "Les voyageurs du temps" se rapprochent davantage de ceux-ci, notamment "Le rideau", "Une rencontre" et "Les Testaments trahis".

"Les voyageurs du temps" est un des derniers livres de Sollers et cela se voit. La plume de l'auteur est plus posée, sage, en retenue, en douceur de ce que j'avais lu avec "Le Secret". C'est donc un bouquin de la maturité où l'écrivain rend un certain hommage à ses modèles qui ont traversé le temps.

Sollers nous parle donc des écrivains qu'il admire. Proust, Kafka, Lacan, Nietzsche, Orwell, Dante, Rimbaud, Baudelaire et bien d'autres. Il nous parle aussi de peintres comme Watteau, qu'il considère comme un génie. Bref, pour terminer, ceux qui apprécient les essais, comme moi, sur la littérature et les arts, seront servis à souhait par un bon écrivain, érudit qui plus est. Mais ceux qui recherchent une bonne histoire, linéaire ou pas, devront s'en abstenir parce que ce bouquin leur tombera certainement des mains.