mercredi 21 octobre 2015

Le drapeau anglais, Imre Kertész


Ma note : 8/10

 Voici la quatrième de couverture: Trois récits pour évoquer trois expériences cruciales de l'auteur, en Hongrie, à partir des années 1950. Le Drapeau anglais se situe à Budapest, pendant l'insurrection hongroise de 1956, et met en scène les affres et les détours de la mémoire. Le Chercheur de traces (publié séparément par Actes Sud en 2003) raconte le retour d'un homme dans une région où, longtemps auparavant, ont eu lieu d'indicibles crimes. Et Procès-Verbal relate un voyage de Budapest à Vienne, peu après la chute du mur de Berlin, voyage qui se transforme en un cauchemar bureaucratique. Un triptyque singulier où questionnement philosophique côtoie amour pour la langue et la forme littéraire. Trois textes d'une rare puissance narrative.

 (cette chronique portera principalement sur la première nouvelle, Le drapeau anglais)

 Encore une fois, pour ce texte, Kertész prend son lecteur à la gorge dès le départ et ne le relâche seulement qu'à la dernière page. Dans mon parcours de lecteur, je suis rendu à un point que je déteste ou adore un écrivain. Je lis rarement un romancier qui me laisse indifférent. C'est peut-être le hasard, je ne sais pas. Et Imre Kertész, je l'admire au plus haut point ! Je lis souvent les mêmes auteurs, j'essaie de lire leurs œuvres complètes, et de les relire, pour ceux que j'admire, et Kertész est sans aucun doute l'un de ceux-là. Nietzsche disait : « Je suis un de ces lecteurs de Schopenhauer qui, après avoir lu la première page de lui savent avec certitude qu'ils iront jusqu'à la dernière [...] ». Et pour ma part, Kertész fait partie de cette catégorie (et Schopenhauer aussi d'ailleurs). Dans Le drapeau anglais, Kertész nous dit dès le départ qu'il ne peut raconter l'histoire de ce drapeau anglais au complet parce qu'il « faudrait que je vous dise quand cette passion a débuté et où elle m'a mené, bref, il faudrait presque que je raconte ma vie entière. Or c'est impossible, car je manque non seulement de temps mais aussi des connaissances nécessaires à une telle entreprise : en effet, qui donc pourrait se targuer, avec les quelques connaissances trompeuses qu'il croit posséder concernant son existence, de connaître vraiment sa vie, ce processus dont le déroulement et l'issue (de secours ou fatale) sont totalement inconnus - surtout pour lui-même -, si bien que le mieux serait que je commence l'histoire du drapeau anglais par Richard Wagner. »

 Donc, pour résumer succinctement, c'est l'histoire d'un homme, le narrateur, qui semble être Imre Kertész lui-même, qui se fait prier de raconter l'histoire du drapeau anglais mais qui semble plutôt incapable de la raconter, sa mémoire le faisant bifurquer vers autre chose. Et cette autre chose sera la monstruosité à visage humain. Finalement, cela mènera bel et bien vers le drapeau anglais. En 70 pages, Kertész nous prouvera qu'il est un des seuls écrivains à pouvoir matérialiser sa pensée sur le papier. (et pour le reste du recueil, il faut dire que la deuxième nouvelle est la plus complète)

 Comme je le disais, le narrateur ne cessera d'esquiver l'histoire du drapeau anglais, comme s'il y avait quelque chose de plus important à raconter, comme si ce qu'il avait vécu était plus important : « Or, devant ce cercle d'amis qui m'incitaient à leur raconter l'histoire du drapeau anglais, j'ai affirmé avec hardiesse que la morale (dans un certain sens) n'était peut-être rien d'autre que la stabilité, et que les situations qui se définissent par leur absence de stabilité ne sont créées que pour empêcher l'existence d'une situation morale : si la déclaration que j'ai faite à la table du goûter semble nonchalante et même dans une large mesure indéfendable dans les circonstances beaucoup plus réfléchies de l'écriture, je soutiens néanmoins qu'il existe un lien étroit entre le sérieux et la stabilité. »

 L'incapacité de dire les choses traverse cette nouvelle (et cette citation renvoie également à un quasi-résumé de l'histoire en tant que telle) : « J'étais bien curieux de savoir comment ce cercle d'amis qui m'incitaient à leur raconter l'histoire du drapeau anglais s'imaginaient cette scène, même approximativement, et je leur ai posé la question puisque moi-même, hélas, je ne dispose pas de la force d'évocation suffisante ni des moyens d'expression nécessaires : mais ils avaient beau hocher la tête, s'efforcer, faire de leur mieux, je suis sûr qu'ils en étaient incapables, tout simplement parce qu'on ne peut pas s'imaginer cette scène. » On retrouve le "ton" pessimiste dont parle Nancy Huston dans Professeurs de désespoir, même dans les nouvelles de Kertész : « Ce monde adouci par la lecture, distancié par la lecture, annihilé par la lecture était un monde mensonger, mais lui seul était vivable et parfois même presque supportable. Finalement, comme il fallait s'y attendre, arriva le moment où je fus perdu pour ce journal et par la même occasion... j'ai failli dire perdu pour la société, si toutefois il y avait eu une société, plus précisément si ce qu'il y a avait été une société, alors oui, j'étais perdu pour cette espèce de société, pour cette horde affamée qui tour à tour jappait comme un chien battu, hurlait comme une hyène famélique, toujours en quête d'une proie à déchiqueter ; pour moi-même, j'étais perdu pour la vie ».

 Et sur ce point en particulier, Kertész disait que les lecteurs le décrivent comme un pessimiste alors qu'il ne fait que décrire ce qu'il a vécu. En effet, on ne sent pas de haine diriger contre la vie en elle-même mais elle est plutôt dirigée contre les bourreaux de la société qui l'a vu grandir et cette société elle-même qui crée les bourreaux et leur permet de grandir. Bref, c'est davantage une déception que l'on ressent avec son pessimisme et non pas une réjouissance (que l'on retrouve un peu avec Cioran et Albert Caraco, entre autres). Huston a une lecture différente des choses (même si elle le place dans une catégorie un peu à part des écrivains ayant connu l'inimaginable avec les camps). Elle écrit dans son essai sur les néantistes : « Mais le plus important, c'est l'insistance de Kertész, au long de la trilogie que forment Être sans destin, Le Refus et Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas, sur le fait que les misères de l'enfant déporté n'avaient pas commencé au camp : aussi loin qu'il s'en souvienne, il avait connu la souffrance. Auschwitz n'a fait que confirmer ce qu'il avait déjà pressenti et redouté au sujet de la nature humaine. Une fois rentré, il se retrouve face au même sentiment d'"arbitraire" qui a présidé à sa vie depuis sa naissance, et doit se durcir pour ne pas céder au désespoir. » 

 Pour moi, la littérature et la philosophie forment les deux côtés d'une même médaille. Alors que l'on fait le tour de la philosophie (et de son histoire) assez rapidement (si l'on considère que la dite philosophie est morte en même temps que Nietzsche), la littérature offre une profondeur inégalée dans l'histoire de la pensée et dans l'histoire des idées. Cependant, on ne peut pas placer la fiction populaire (les thrillers, les romans à l'eau de rose, etc.) dans la case "littéraire". Pour y être admis, l'humain doit y être abordé d'une façon profonde et surtout, cela doit être accompagné par un style qui permet au lecteur de bien pénétrer dans la conscience de l'écrivain. Imre Kertész permet cela. Il fait partie de ces écrivains qui donnent une profondeur à la chose littéraire.

 Mais qu'apporte réellement Imre Kertész à la littérature ? Qu'est-ce qu'il amène de nouveau ? Selon moi il amène un réel talent d'écriture dans un vécu, une expérience (ce qu'il connaît du communisme, des camps de la mort, etc.). Généralement, et je dirais même que c'est presque toujours le cas, les bons écrivains n'ont pas un grand vécu "réel" parce que la majeure partie de leur vie est consacrée à la lecture et au peaufinage de leur écriture. De plus, l'écriture est souvent un art très aristocratique, et les meilleurs dans ce domaine ont rarement été obligés d'avoir un emploi, de travailler, et contrairement à Kertész, ils n'ont pas été persécutés d'une façon brutale dès leur jeunesse. 

 En terminant, disons simplement, en plus de tout ce que j'ai écrit plus haut, que c'est aussi une nouvelle sur la relation qu'entretient l'art avec la réalité et que la citation suivante est probablement ce que je retiens de l'essence même de ce récit : « Par la suite, chaque fois qu'on donnait La Walkyrie, je m'arrangeais pour être dans la salle ; à cette époque de catastrophe générale, c'est-à-dire commune et personnelle, la salle de l'Opéra avec ses représentations malheureusement assez rares de La Walkyrie était l'un des deux seuls endroits où je pouvais parfois trouver refuge, l'autre étant la piscine Lukacs. » Étrange, non ? Je vous laisse découvrir le contexte de cette phrase dans Le drapeau anglais !

dimanche 11 octobre 2015

Les Vagues, Virginia Woolf


Ma note : 10/10

 Voici la quatrième de couverture : Publié en 1931, Les Vagues se compose d'une succession de monologues intérieurs entrecroisés de brèves descriptions de la nature. Chaque personnage donne sa voix et se retire dans un mouvement rythmé qui évoque le flux et le reflux des marées. « J'espère avoir retenu ainsi le chant de la mer et des oiseaux, l'aube et le jardin, subconsciemment présents, accomplissant leur tâche souterraine... Ce pourraient être des îlots de lumière, des îles dans le courant que j'essaie de représenter ; la vie elle-même qui s'écoule. » Préface et traduction de Marguerite Yourcenar.

 Je ne cesse de le répéter sur ce blogue, et je ne cesserai de le faire aussi longtemps que j'écrirai : l'important en littérature c'est le style et de façon plus générale, l'esthétique. L'histoire, l'intrigue, le récit et les études politiques ou autres ne sont que très secondaires avec la grande littérature (à moins d'avoir un récit justement très esthétique comme Feu Pâle de Nabokov, mais cela est une tout autre histoire, c'est plus compliqué à développer). Un de ceux qui m'a appris cela, c'est ce même Vladimir Nabokov, un de mes écrivains préférés. Voici ce qu'il disait à ce sujet (lorsqu'il était professeur d'université) : « L'étude de l'impact sociologique ou politique de la littérature a dû être imaginé principalement pour ceux qui, par tempérament ou par éducation, sont insensibles au vibrato esthétique de la vraie littérature, ceux qui ne connaissent pas le petit frisson révélateur entre les omoplates (je ne cesserai jamais de répéter que ce n'est pas la peine de lire si vous ne lisez pas avec votre dos) ».

 Pendant l'écriture de ses Vagues, Virginia Woolf disait de son roman : « Tout est enivrant, simple, rapide, efficace... sauf que je continue à cafouiller sur Les Vagues. Après beaucoup d'efforts je me retrouve avec deux pages de parfaites inepties. J'écris des variantes de chaque phrase, je transige, me fourvoie, tâtonne au point que mon cahier finit par ressembler à un rêve de fou. Puis je fais confiance à l'inspiration qui peut me venir en relisant et je crayonne pour tenter de donner à l'ensemble un peu de sens commun. Néanmoins, je ne suis pas satisfaite. Je trouve qu'il manque quelque chose. Je ne fais aucune concession. Je fonce au tréfonds de moi-même. Cela m'est égal que tout soit raturé. Et il y a une certaine chose là. »

 Une certaine chose en effet. De l'aveu même de Woolf, Les Vagues sont un poem-play. D'une originalité absolue, et surtout d'une grandeur stylistique ultime, Les Vagues sont aussi un des plus beaux poèmes que l'on puisse lire. Il fait 280 pages en prose, ce qui n'est pas peu dire. Dans son essai Une chambre à soi, Virginia Woolf parle de la soeur (imaginaire) de Shakespeare. Elle écrit que si Shakespeare aurait eu une soeur avec le même talent, à la même époque bien sûr, cette soeur n'aurait pu avoir la même carrière que son frère, et donc elle n'aurait pu écrire de chefs-d'oeuvre. Et pour faire suite à cet essai, je rajouterais que, selon moi, ce texte était en quelque part visionnaire parce que c'est elle la réelle soeur de Shakespeare. Elle a le même talent que lui, le même génie, et cela aboutira forcément à une oeuvre immortelle. Les Vagues, avec Vers le phare, sont la plus étincelante preuve de ces dires. C'est un roman touché par Dieu...

 Lorsqu'on écrit sur un livre comme celui-ci (ce qui est quasiment impossible à faire) on se doit de se concentrer sur le texte en tant que tel, sur les citations, parce que l'intrigue est à peu près inexistante et c'est impossible de bien dégager les thèmes et le récit dans cette mer de subtilité et dans cette prose fondue en poésie. Disons simplement que c'est un roman expérimental, qu'il y a sept personnages, que six seulement prendront la parole, et que Percival le septième restera en retrait (mais ne manquera pas d'éveiller la curiosité du lecteur par la puissance qu'il a dans la conscience d'autrui, dans les autres personnages du livre). Les six personnages récitent principalement des monologues, et ils prennent la parole à tour de rôle. Ils nous parlent (et se parlent) dans une indifférence presque totale.

 Donc, il n'y a pas de récit, pas d'histoire, pas d'intrigue et ainsi, il est préférable de vous présenter des citations un peu aléatoirement, mais sélectionnées selon le dos, pour reprendre les mots de Nabokov. Il y a deux grandes parties dans le roman : la prose poétique (en italique dans le bouquin) et la partie des monologues. La prose poétique introduit chaque scène qui sont au nombre de neuf. Cette prose décrira, entre autres, les vagues qui viennent se jeter sur le rivage. Le roman s'ouvre de cette manière avec la partie poétique qui amènera les premiers monologues : 

 « Le soleil ne s'était pas encore levé. La mer et le ciel eussent semblé confondus, sans les mille plis légers des ondes pareils aux craquelures d'une étoffe froissée. Peu à peu, à mesure qu'une pâleur se répandait dans le ciel, une barre sombre à l'horizon le sépara de la mer, et la grande étoffe grise se raya de larges lignes bougeant sous sa surface, se suivant, se poursuivant l'une l'autre en un rythme sans fin. Chaque vague se soulevait en s'approchant du rivage, prenait forme, se brisait, et traînait sur le sable un mince voile d'écume blanche. La houle s'arrêtait, puis s'éloignait de nouveau, avec le soupir d'un dormeur dont le souffle va et vient sans qu'il en ait conscience. Peu à peu la barre noire de l'horizon s'éclaircit : on eût dit que de la lie s'était déposée au fond d'une vieille bouteille, laissant leur transparence aux vertes parois de verre. Tout au fond, le ciel lui aussi devint translucide comme si un blanc sédiment s'en était détaché, ou comme si le bras d'une femme couchée sous l'horizon avait soulevé une lampe : des bandes de blanc, de jaune, de vert s'allongèrent sur le ciel comme les branches plates d'un éventail. Puis la femme invisible souleva plus haut sa lampe ; l'air enflammé parut se diviser en fibres rouges et jaunes, s'arracher à la verte surface dans une palpitation brûlante, comme les lueurs fumeuses au sommet des feux de joie. Peu à peu les fibres se fondirent en une seule masse incandescente ; la lourde couverture grise du ciel se souleva, se transmua en un million d'atomes bleu tendre. La surface de la mer devient lentement transparente ; les larges lignes noires disparurent presque sous ces ondulations et sous ces étincelles. Le bras qui tenait la lampe l'éleva sans hâte : une large flamme apparut enfin. Un disque de lumière brûla sur le rebord du ciel, et la mer tout autour ne fut plus qu'une seule coulée d'or. » 

 La deuxième partie est amenée de cette façon par Virginia Woolf et nous pouvons voir que le procédé est semblable, ce qui sera aussi le cas pour les parties subséquentes, alors que la journée avance un peu : 

 « Le soleil prenait de la hauteur. Des vagues bleues, des vagues vertes promenaient sur la rive un rapide éventail, entouraient de leur onde les piquants du chardon marin, mettaient çà et là sur le sable de minces étangs de lumière, et laissaient derrière elles un pâle cerne noir. Les roches cessaient d'être moelleuses, enveloppées de brumes ; elles durcissaient, et montraient leurs crevasses rouges. Des ombres aiguës rayaient l'herbe, et la rosée dansant à la pointe des fleurs et des feuilles faisait du jardin une mosaïque d'étincelles, qui ne parvenait pas encore à se fondre en un seul tout de lumière. Les oiseaux, gorges mouchetées de rose, de jaune, jetaient une note ou deux, sauvagement, pareils à de joyeux patineurs qui vont par bandes. Puis, soudain, ils se taisaient, se séparaient l'un de l'autre. Sur la maison, le soleil déversait des rayons plus larges. La lumière toucha quelque chose de vert au coin d'une fenêtre, et en fit un bloc d'émeraude, une grotte du vert le plus pur, tel un fruit dénoyauté. La lumière aiguisait le rebord des tables, des chaises, et ourlait de délicats fils d'or les nappes blanches. À mesure que le jour croissait, les bourgeons éclatèrent çà et là, dépliant brusquement leurs fleurs veinées de vert palpitantes comme si l'effort fait pour s'ouvrir les avait mises en branle, et leurs frêles battants frappant contre leurs parois blanches firent un vague carillon. Les choses se fondaient, perdaient doucement leur forme ; on eût dit que l'assiette de porcelaine s'écoulait, et que le couteau d'acier devenait liquide. Et, tout le temps, le bruit des brisants retentissait, pareil aux grands coups sourds de bûches tombant sur le rivage. » 

 Ces deux dernières citations montrent la prose descriptive, remplie de poésie, que l'on retrouve en italique avant chaque scène. Voici maintenant ces parties en tant que telles, les scènes, les monologues, où elle fait parler ses personnages sans jamais vraiment abandonner la poésie, ce qui devient vite remarquable parce qu'elle parvient à maintenir une écriture soutenue pendant près de 300 pages (c'est un monologue de Jinny, l'un des sept personnages): 

 « Je hais l'obscurité, et le sommeil, et la nuit, dit Jinny. Couchée dans mon lit, j'espère l'arrivée du jour. Je voudrais que la semaine ne soit qu'un seul jour indivisible. Quand je m'éveille de bonne heure (et les oiseaux me réveillent), je reste au lit, et je surveille les poignées de cuivre de la commode, puis la cuvette, puis le porte-serviettes qui recommencent à briller. Mon coeur bat plus vite, lorsque chaque chose se remet à briller dans la chambre. je sens mon corps durcir, redevenir rose, brun, ocre...Mes mains errent le long de mes jambes et de mon corps. Je sens ses courbes, sa minceur. J'aime à entendre les coups de gong résonner à travers la maison, et le remue-ménage commencer. » 

Finalement, on peut voir dans la prochaine citation un peu la même chose avec le personnage de Louis qui raconte sa vie d'une façon imagée, avec un clin d'oeil à Orlando, un autre roman de Woolf :  

« Ce qui nous différencie est bien profond, dit Louis, et peut-être impossible a définir. Mais essayons pourtant d'arriver à une définition. en entrant, je me suis lissé les cheveux, espérant ressembler au reste d'entre vous. Mais je ne le puis, car je ne suis pas complet et précis comme vous l'êtes. J'ai déjà vécu mille vies. Chaque jour, je fouille, je déterre, je découvre des restes de moi-même dans le sable piétiné par les femmes voici des milliers d'années, à l'époque où j'écoutais des chants s'élever sur la rive du Nil, et le piétinement d'une gigantesque bête enchaînée. Cet homme que vous voyez, ce Louis, est fait des cendres et des débris d'un être jadis sublime. J'ai été prince en Arabie : la noblesse de mes gestes en témoigne. au temps d'Élisabeth, j'ai été un grand poète. J'étais duc à la cour de Louis XIV. Je suis vain ; je suis téméraire ; je désire éperdument obtenir des femmes un soupir de tendresse. » 

 En conclusion, je dois dire qu'il est difficile de faire mieux que Les Vagues, j'y reviens sans cesse en relecture. Peut-être a-t-elle mieux réussi avec Vers le phare parce qu'en plus de la prose majestueuse, impériale, elle avait réussi à glisser une grande histoire familiale (non pas à grand déploiement cependant). Personnellement, j'ai accroché davantage à ses Vagues pour sa poésie de la prose inégalée dans l'histoire de la littérature. Lorsqu'on parle du sublime, de quelque façon que ce soit, deux noms me viennent à l'esprit : Vladimir Nabokov (pour Feu Pâle et Ada ou l'Ardeur) de même que Virginia Woolf (pour Vers le phare et Les Vagues). Ces quatre romans sont probablement ce que je peux vous conseiller de plus magnifique. Aussi, leurs traductions françaises sont excellentes. J'ai lu To the lighthouse dans trois traductions différentes, The Waves dans deux traductions, et elles sont toutes justes. Je ne veux rien enlever à ces traducteurs mais selon moi Virginia Woolf transcende les traductions. Comme Shakespeare, elle est immuable et immortelle.

jeudi 1 octobre 2015

Mes lectures des trois derniers mois



Juillet 

 1- Le bruit et la fureur - William Faulkner 7,5/10 

 2- Les puissances des ténèbres - Anthony Burgess 8,5/10 

 3- Americana - Don DeLillo 6/10 

 4- La tentation d'exister - Cioran 8,5/10 

 5- Les chiens romantiques - Roberto Bolaño 9/10 

 6- Biographie Lou Andreas Salomé - Dorian Astor 9/10 

 7- Lettre ouverte à Freud - Lou Andreas Salomé 6/10

 8- Campo Santo - W.G. Sebald 8,5/10 

 9- Le chardonneret - Donna Tartt 3/10 (pas lu au complet, je tenais à conserver ma santé mentale) 

 10- Si beau, si fragile - Daniel Mendelsohn  8,5/10 

 11- Regard sur le monde actuel et autres essais - Paul Valéry 8/10 

 12- Le mythe de Sisyphe - Albert Camus 8/10 

 13- La mort du papillon - Pietro Citati 9/10 



  Août 

 1- Histoires de Tom Jones - Henry Fielding 9/10 

 2- L'angoisse du gardien de but au moment du penalty - Peter Handke 7/10 

 3- Par une nuit obscur je sortis de ma maison tranquille - Peter Handke 7,5/10 

 4- Le monde de Barney - Mordecai Richler 8/10 (très bon même si je suis indépendantiste ;)) 

 5- Récits, romans, journaux (pochothèque) - Franz Kafka 9/10 

 6- Esthétique - Hegel 8/10 

 7- Entre les actes - Virginia Woolf 9/10 

 8- Essais choisis - Virginia Woolf (folio édition 2015) 9/10 

 9- La construction du surhomme - Michel Onfray 7/10 

 10- Pedro Paramo - Juan Rulfo 9/10 

 11- Petite anthologie des plus beaux textes tibétains - Matthieu Ricard 9/10 

 12- Mansfield Park - Jane Austen 8/10 

 13- La courte lettre pour un long adieu - Peter Handke 7/10 

 14- Illusions perdues - Balzac 9/10 

 15- La confusion des sentiments - Zweig 8,5/10 

 16- Dalva - Jim Harrison 5/10 



  Septembre 

 1- Bienvenue au conseil d'administration - Peter Handke 7,5/10 

 2- Tonio Kröger - Thomas Mann 8/10 

 3- Trilogie U.S.A. - John Dos Passos (Quarto Gallimard) 9/10 

 4- L'ombilic des limbes - Antonin Artaud (poésie Gallimard) 8/10 

 5- Les désarrois de l'élève Törless - Robert Musil 7/10 

 6- Le colporteur - Peter Handke 6/10 

 7- Être sans destin - Imre Kertész 8,5/10 

 8- L'éthique - Spinoza 8/10 

 9- Exit le fantôme - Philip Roth 8/10 

 10- Le jeu du siècle - Kenzaburo Ôé 8,5/10 

 11- Oeuvres - Nietzsche - édition flammarion 10/10 

 12- Désert - J.M.G. Le Clézio 8,5/10 

 13- Essais - Zweig (Pochothèque) 10/10 

 14- Siddhartha - Hermann Hesse 9/10 

 15- Machenka - Vladimir Nabokov 7/10 

 16- Andromaque - Racine 10/10