mercredi 12 décembre 2012

Une vie divine, Philippe Sollers



Ma note: 8/10

Voici la quatrième de couverture: «Ludi est une merveilleuse menteuse. C'est d'ailleurs la phrase que je me suis murmurée au bout de trois ou quatre rencontres : "merveilleuse menteuse". Mère en veilleuse, très bonne menteuse. Il suffit de la voir, là, bien blonde épanouie aux yeux noirs, cheveux courts, avec sa robe noire moulante, sur la terrasse de cet hôtel, en été. Elle est fraîche, bronzée, elle sait qu'elle se montre, elle laisse venir les regards vers elle, elle s'en enveloppe comme d'une soie. Oui, je sais, elle vous dira qu'elle a pris deux kilos et que c'est dramatique, mais non, justement, elle est parfaite comme ça, rebondie, ferme, ses seins, son ventre, ses cuisses évoquent aussitôt de grands lits ouverts. Ah, ce croisement de jambes, ses fesses lorsqu'elle va au bar, sa façon de sortir et de rentrer et de ressortir et de rerentrer son pied de son soulier gauche - la cheville, là, en éclair -, et puis de rester cinq secondes sur sa jambe droite, et de recommencer, rentrer-sortir, rentrer-sortir, comme pour dire j'ai trouvé chaussure à mon pied, et c'est moi, rien que moi, venez vous y frotter si vous croyez le contraire. Son corps se suffit à lui-même et elle n'a pas à s'en rendre compte. Il dit tout ce qu'il y a à dire, mais elle ne pourrait pas le parler.»

Le nom de Schopenhauer n'apparaît, pour la première fois, qu'à la moitié du roman. Il était temps ! Ce roman sur la vie de Nietzsche, mon préféré jusqu'à maintenant de Sollers, ne pouvait passer outre Schopenhauer. Pourtant, je crois que ce n'était pas l'envie qui manquait à Sollers de le rayer de son roman. Il est très critique du nihilisme, se venge contre Houellebecq, on sent bien la jalousie qu'il a d'avoir moins de talent que Michel, et il semble frustré de la grande influence qu'a eue Schopenhauer, et plus particulièrement sur Nietzsche. Il ne parle même pas que Nietzsche ne cessait de répéter que le seul philosophe qui l'a influencé, le seul à avoir un quelconque intérêt, c'est le maitre Arthur. Bien sûr qu'après il s'en est distancé pour fonder sa propre philosophie et par le fait même, il assassinait la métaphysique de Schopenhauer. On ne peut pas trouver une philosophie plus éloignée de celle de Schopenhauer que celle de Nietzsche. Schopenhauer détruit la vie, alors que Nietzsche la célèbre. La philosophie de Schopenhauer est basée sur la pitié, la compassion, alors que celle de Nietzsche a pour base le surhomme, la volonté de puissance. Vous aurez compris - ou pas - que je me range du côté de Schopenhauer alors que Sollers, et son roman, se range sur celui de Nietzsche. Il est parfois bon de confronter son opinion, ses intérêts, sa pensée.

Très bien écrite, surtout les cent premières pages qui sont parmi les meilleures pages que j'aie lues dans ma vie, cette biographie romancée sur Nietzsche est un incontournable, selon moi, pour qui s'intéresse au grand philosophe. Et c'est même davantage qu'une biographie romancée, parce que le narrateur - on pourrait même dire Philippe Sollers lui-même - entremêle sa propre vie avec Nietzsche et l'appelle M.N. pour Monsieur Nietzsche. Cela donne au roman une petite touche postmoderne. La première moitié de ce bouquin de plus de 500 pages est consacrée à tisser les liens de ces existences, celle de Nietzsche, du narrateur, de Sollers, et cela devient de plus en plus conséquent plus le roman avance, plus il prend forme.

Contrairement à mes lectures précédentes de cet écrivain - je parle du "Secret", "Les voyageurs du temps" et "La Fête à Venise" - ici il y a un fil conducteur à l'histoire (la vie de Nietzsche) et Sollers ne s'égare pas trop. Bien sûr qu'il parle de sujets plus ou moins rattachés à Nietzsche, ici et là, mais en général, il s'en tient à son sujet. Et pour le côté moins plaisant de notre lecture, Sollers continue à prendre son lecteur pour un imbécile en l'attaquant, en le prenant de haut, en étant tout simplement déplaisant.

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