Ma note:
9/10
Voici la quatrième de couverture: Ricardo Reis est l'un des hétéronymes du grand poète portugais Fernando Pessoa. Créature imaginaire, qui pourtant s'inscrit dans la réalité en signant une oeuvre poétique importante, il devient, sous la plume de José Saramago, le personnage central d'une fiction romanesque. Dans une Lisbonne changeante, que les reflets du Tage font parfois paraître comme irréelle, Ricardo Reis poursuit une quête d'identité où se mêlent le vrai et le faux ; les morts côtoient les vivants, les sages, les fous, en un mystérieux jeu de miroirs. En choisissant le thème du double, José Saramago interroge les relations entre la littérature et le mythe, le mensonge et l'Histoire, et nous donne à lire un roman étourdissant.
Une idée merveilleuse de José Saramago. Il a pris un hétéronyme de Fernando Pessoa (l'autre grand écrivain portugais) et en a fait le personnage principal de ce roman. Un hétéronyme est un pseudonyme, une sorte d'alter ego littéraire, et un auteur l'utilise habituellement pour écrire dans une forme ou un genre en particulier. Saramago a une vaste conscience, un génie qui le place parmi les plus grands romanciers, sinon "le" plus grand de l'après-guerre. Son œuvre tardive (parce que Saramago a écrit très tard dans sa vie, une autre facette exceptionnelle de sa personne) est aussi vaste que sa conscience. Une œuvre foisonnante, originale, marquante, où son génie apparaît, outre par son style irréprochable, dans l'abondance de ses thèmes et où chaque roman a sa spécificité, sa particularité, son propre univers.
Dans "L'année de la mort de Ricardo Reis", les descriptions foisonnantes nous happent dès le début du roman. Aussi, le personnage principal est une double fiction, d'abord en étant l'hétéronyme de Pessoa et ensuite, ici, en étant le personnage que Saramago met en scène. L'auteur place son décor dans une ambiance sombre, ténébreuse. Un mystérieux voyageur arrive à Lisbonne. Il dit être là pour affaire. Mais il ment. Ce voyageur, c'est Ricardo Reis. Réel ou non, peu importe parce qu'on croit qu'il l'est. Il a 48 ans, il est médecin et poète, et sa dernière adresse est à Rio de Janeiro au Brésil. Ricardo est à l'hôtel, la pluie ne cesse pas. Il observe beaucoup plus qu'il ne parle. Il semble vouloir décroître pour retourner là où il vient. Mais pas tout à fait non plus. Il est venu après la mort de Fernando Pessoa pour prouver son identité et surtout pour la trouver. Saramago fait un ultime hommage à Pessoa. Il fait vivre son double ! Ricardo va voir la tombe de Fernando. Ricardo est parfois poète mais souvent il vit comme un simulacre d'humain. L'ambiance du roman demeure toujours très sombre (cela m'a rappelé le génial "Molloy" de Beckett). Le style d'écriture qui accompagne cette noirceur est supérieur à la grande majorité des romans que j'ai lus dans ma vie. C'est du postmodernisme à son meilleur ! Ensuite, pour revenir au résumé, Ricardo découvre le Portugal en poète-médecin qu'il est, il rencontre son créateur mort, nul autre que Fernando Pessoa. Pourra-t-il survivre malgré la mort de Dieu, de Pessoa ? Et l'œuvre est-elle plus forte que l'écrivain ?
Ricardo Reis est comme une ombre de Fernando Pessoa. Allégoriquement, une qui veut se cacher, disparaître aux confins de la littérature, qui ne veut supplanter son maître et son Dieu Pessoa. Reis ne devient jamais vraiment humain, ce qui rend encore plus fort ce personnage romanesque. C'est le meilleur roman de Saramago que j'aie lu, encore mieux que "Manuel de peinture et de calligraphie". Le personnage principal fait le roman à lui seul, et la forme, le style, complète ce livre qui est un chef-d'oeuvre selon moi. Je n'ai encore jamais lu Pessoa. Ni lui, ni ses hétéronymes alors que le présent roman est, paraît-il, criblé de références à son œuvre. Par contre, ce que j'ai perdu là, je l'ai gagné en découverte, en fraîcheur, en évasion. De plus, ce que j'aime avec Saramago et la plupart des autres grands écrivains se retrouvent ici : un style époustouflant, une force d'évocation, une fluidité, une intelligence, une sagesse. Avec une idée aussi forte sur le thème du double, Saramago réussit à écrire un roman aussi puissant que son idée de départ.
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