Ma note:
8/10
Voici la quatrième de couverture :
«Dans quel village me suis-je égaré ? y a-t-il donc ici un château ?
- Mais oui, dit le jeune homme lentement, et quelques-uns des paysans hochèrent la tête, c'est le château de M. le Comte Westwest.
- Il faut avoir une autorisation pour pouvoir passer la nuit ? demanda K. comme s'il cherchait à se convaincre qu'il n'avait pas rêvé ce qu'on lui avait dit.
- Il faut avoir une autorisation, lui fut-il répondu, et le jeune homme, étendant le bras, demanda, comme pour railler K., à l'aubergiste et aux clients :
- A moins qu'on ne puisse s'en passer ?...»
K. arrive dans un village. Cet homme ne semble pas avoir de passé (il n'aura pas d'avenir non plus), ce qui le distingue clairement des autres hommes sur cette terre. Par contre, il est arpenteur, ce qui montre qu'il a probablement fait des études dans ce domaine. Et monsieur le comte l'a fait venir dans son village, dans son château qu'il tentera d'atteindre. La scène du début rappelle "Le procès" parce que K. est surpris par des hommes, et cela donne lieu à un échange aussi absurde pour K. que rationnel pour les hommes. Ensuite K. arrive proche du village et commence ses tentatives pour pénétrer dans le château. Cette entreprise est vouée d'avance à l'échec comme si Kafka n'offrait aucune réussite possible à ses personnages principaux. "K. se trouvait là comme dans un nuage" nous dit Kafka. Le château semble tranquillement s'incruster sous la peau de K. La neige, très symbolique, ajoute un élément écrasant à l'histoire, elle recouvre de son manteau blanc les environs du château. Le temps se disloque dans ce roman, K. étant perdu dans une temporalité (et un espace) devenu invraisemblable. Le château deviendra de plus en plus inatteignable pour lui, et la dangereuse machination de l'écrivain en résultera à la défaite absolue pour son personnage, qui lui, reflètera l'aliénation de la société tout entière.
J'ai beaucoup plus apprécié celui-ci que "Le procès" qui m'avait laissé froid. "Le château" a peut-être la même idée romanesque, un peu les mêmes thèmes, un personnage qui se nomme K. (pour "Le procès" c'était Joseph K.) mais l'auteur est davantage subtil pour faire passer son message. Les romans et nouvelles de Kafka, et celui-ci particulièrement, marquent un point tournant dans l'histoire de la littérature mondiale, notamment parce qu'il est le premier à maintenir son intrigue entre le rêve et la réalité sans que le lecteur sache pleinement de quel côté il se trouve. Kafka a su créer une ambiance qui reflète cette angoisse en ancrant ses personnages dans un univers bureaucratique à l'extrême et par le fait même, les règles bureaucratiques, si l'on veut, emprisonnent totalement l'individu. Le cauchemar absolu ! Cependant, il y a une chose qui me déplaît chez Kafka et c'est son style d'écriture que je trouve un peu faible si l'on compare aux autres grands écrivains. Aussi, ce style est par moments mécanique, dépouillé et on pourrait dire qu'il est presque aussi faible que celui d'Hemingway par exemple. Il faut dire que Kafka n'avait peut-être pas le choix pour en arriver à créer ce genre de roman où la froideur rend compte de l'inhumain. Kafka aura certes révolutionné la littérature mondiale au même titre que Cervantes et Flaubert mais personnellement il n'est pas mon auteur préféré.
Lors d'une précédente critique, je plaçais en relation Robert Walser et Franz Kafka. L'un est le style incarné (Walser) alors que l'autre a changé le visage de la littérature et est devenu l'influence principale de la plupart des écrivains du 20e siècle. Même si j'ai davantage apprécié "Le château" que "Le procès" je persiste à dire que Walser est de loin supérieur à Kafka alors qu'il est dans son ombre, qu'il est moins connu. Kafka était lui-même un très grand admirateur de Walser. Alors, aussi ironique que cela puisse paraître, si j'avais un conseil à vous donner pour terminer cette critique de Kafka, ce serait de lire "Le Brigand" de Robert Walser.
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