Ma note:
8,5/10
Voici la quatrième de couverture: «Pendant de longues années, autant que dura notre jeunesse, nous nous tînmes sur la plus grande réserve et ne fîmes jamais allusion au passé. L'autre jour, elle me demanda à brûle-pourpoint, et son visage encadré de cheveux gris se colorait d'une rougeur juvénile : - Pourquoi m'avez-vous quittée ? Pris de court, je n'eus pas le temps de fabriquer un mensonge. Aussi fus-je sincère : - Je ne sais plus... j'ignore tant de choses de ma propre vie. - Moi, je regrette, dit-elle. (Et déjà je m'inclinais à cette promesse de compliment.) Il me semble que vous devenez très drôle en vieillissant.»
Voici l'ultime roman sur la psychanalyse. Zeno, le personnage principal, est poussé par son psychanalyste pour écrire son autobiographie. Le texte qui nous parvient est écrit par un vieux et il évoque ses souvenirs d'avant la psychanalyse, pour la majeure partie du bouquin. Ce dernier veut absolument que Zeno reprenne sa thérapie (ce qui est fréquent avec les psychanalystes). Zeno commence donc son voyage vers l'inconscient avec la recherche historique de son goût pour le tabac. Il remonte à son enfance, "le" moment important en psychanalyse, il repense à sa mère qui prend la place de sa femme (autre élément de la psychanalyse), il écrit sur la mort de son père et le souhait inconscient de le voir mourir (encore un autre élément fondamental de la psychanalyse). Aussi, il raconte qu'il veut absolument abandonner le droit pour la chimie, inconsciemment il va vers la transgression de l'interdit (familial). Son désir d'arrêter de fumer devient une obsession. Chaque événement qui lui arrive devient un prétexte pour arrêter de fumer. Ces situations nous font souvent rire et l'humour ne quitte jamais vraiment le récit. Même son mariage raté est une occasion pour rire. Cela convergera vers sa psychanalyse qu'il entreprendra et la découverte totale du moi qu'il fera.
Le point central de la psychanalyse est le complexe d'Œdipe d'où les nombreuses références que l'écrivain fait à son endroit. Ici, on est surtout dans la psychanalyse freudienne parce qu'ensuite certains psychanalystes attachèrent un peu moins d'importance à ce concept. Pour Freud cependant, les maux remontent presque toujours au complexe d'Œdipe. Dans son autobiographie, Carl Jung reproche à Freud de faire de la sexualité son obsession et cela a causé leur rupture. Personnellement, ce que je reproche à la psychanalyse c'est de prétendre qu'elle peut guérir alors qu'elle fait partie, selon moi, de la philosophie. "La conscience de Zeno" démontre, même si la psychanalyse de Zeno semble un échec de prime abord, que l'on peut pénétrer au plus profond de notre être avec l'aide de la psychanalyse. C'est un roman de la première moitié du 20e siècle, des débuts de la psychanalyse, et donc, l'auteur n'avait pas les résultats empiriques que l'on connaît aujourd'hui. Et ces résultats sont de l'ordre du placebo (voir "Le livre noir de la psychanalyse"). Enfin, à la fin du roman, Zeno a de bonnes prémonitions sur le destin futur du monde.
Je ne suis pas surpris que Joyce ait cru à ce roman parce que le style se rapproche par moments de son "Ulysse" et de plus, le quotidien est décrit d'une façon réaliste, moderne, et par des "instants étirés". Zeno écrit davantage sur les chapitres importants de sa vie et donc, j'ai préféré de loin celui-ci à la banalité de "Ulysse". C'est un roman tout à fait original. Svevo ne semble pas avoir de précurseur en littérature (mais une tonne d'épigones). Svevo était un grand amateur de Freud et cela jaillit partout dans le roman. Le complexe d'Œdipe tenaille Zeno du début à la fin comme une force qu'on ne peut échapper. L'auteur est critique de la psychanalyse mais il semble lui donner le mérite de pouvoir guérir à long terme et sur ce point bien précis, on ne peut le contredire avant d'avoir de vraies réponses.
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