samedi 26 octobre 2013

Libra, Don DeLillo


Ma note : 7/10

Voici la quatrième de couverture: 22 novembre 1963, assassinat du président Kennedy. Faute d'élucidation crédible, le mystère est resté total et le drame est entré dans la légende américaine. Don DeLillo a puisé dans la vérité historique tous les éléments d'un fantastique roman policier - agents secrets, activistes de droite et de gauche, mafiosi, stripteaseuses, trafiquants de drogue, CIA, FBI, KGB, Fidel Castro. et un coupable désigné nommé Oswald, né sous le signe de la Balance (Libra, en anglais), meurtrier idéal assassiné à son tour devant les caméras du monde entier. De ce personnage mystérieux, DeLillo a fait l'antihéros d'un roman saisissant qui prouvera une fois de plus que l'intuition d'un grand romancier peut nous emmener plus loin sur le chemin de la vérité que bien des enquêtes. Né à New York en 1936, écrivain reconnu dans le monde entier, Don DeLillo a reçu les plus prestigieuses distinctions dont The National Book Award et The Pen / Faulkner Award. Il a également obtenu The Jérusalem Prize 1999 pour l'ensemble de son oeuvre ainsi que The Howells Medal of the American Academy of Arts and Letters pour son roman, Outre-monde. La plus grande partie de l'oeuvre de Don DeLillo est publiée en France par Actes Sud.

Avec un sujet aussi éculé, celui de l'assassinat de Kennedy, le premier, on était en droit de s'attendre au pire, et de plus, quand la fiction se mêle d'un sujet aussi important, le résultat est rarement satisfaisant. J'ai lu quelque part qu'il y a près de 40 000 livres qui ont été écrit sur JFK. Ce qui n'est pas rien, vous en conviendrez. Quant à Don DeLillo, il m'avait ébloui avec son chef-d'oeuvre "Outremonde" qui reprenait certains faits divers mais qui traitait de sujets originaux, dans l'ensemble. Aussi, j'avais adoré "Bruit de fond", une critique de la société moderne où les simulacres remplaçaient tout ce qui bouge. Ainsi, DeLillo m'avait habitué à des fictions où le malaise de la civilisation est présent à chaque page, et où la prose poétique de l'auteur vient ajouter un élément vivant à une forme (le roman) souvent sans vie.

Avec "Libra", on suit Lee Harvey Oswald, le présumé tueur de Kennedy. Et c'est justement là que Don DeLillo est original et se démarque des autres écrivains sur ce thème. Son enfance, toujours d'une façon fictionnelle mais appuyée par les lectures historiques de DeLillo, est décrite dans les premières pages. Ensuite, on alterne entre les chapitres sur la vie d'Oswald et ceux où les complots contre Kennedy se préparent. Cela convergera sur la date de l'assassinat. Entretemps, Lee Harvey Oswald devient communiste, sans réellement comprendre toute la théorie qui l'accompagne. Oswald voyage en Asie et surtout en U.R.S.S. Il devient de plus en plus révolutionnaire. Le roman gagne en complexité lorsque Nicolas Branch est chargé, des années plus tard, d'écrire l'histoire secrète de l'assassinat de JFK. Cette partie est incorporée dans la période précédente où l'on suit L.H.O. et les complots de cette affaire. De grandes parties du roman sont consacrées à Cuba, Castro et les missiles de La Baie des cochons, qui avaient donné la crise que l'on connaît, quelques mois avant l'assassinat de Kennedy.

La poésie de l'auteur, ce qui est sa plus grande force, n'a pas vraiment sa place dans "Libra". Poésie, parce qu'Harold Bloom dit que DeLillo se rapproche de Walt Whitman, le grand poète américain. Aussi, la prose de l'auteur, son esthétique, se rapproche de la poésie en général. Mais dans "Libra" le sujet du bouquin ne s'y prête pas et ainsi, quand il y en a, elle ne paraît à sa place et quand il n'y en a pas, DeLillo devient un écrivain comme les autres, ce qu'il n'est pas. Voici donc un roman où les coïncidences n'en sont pas, et qui met la table pour l'époque, la nôtre, où les Edward Snowden, Julian Assange, etc., sont les héros. Bien que les théories du complot aient toujours existé, DeLillo a écrit son roman en 1986-1988 et à l'époque c'était plus rare d'aborder ces sujets parce qu'internet n'existait pas. Par contre, à la fin du présent volume, DeLillo sert est savante mise en garde contre certaines théories fumeuses et qui sont appuyées sur du vide. En ce sens, on pourrait dire que ce livre est utile pour démontrer la surveillance des gouvernements capitalistes sur les mouvements de gauche, l'espionnage à grande échelle. Comme tous les romans d'espionnage, le récit se précipite dans tous les sens, et l'on est transporté d'un endroit à l'autre, d'une temporalité à une autre. Le roman d'espionnage n'est pas un genre que j'apprécie beaucoup, d'où mon ambivalence quant à la qualité de ce livre de Don DeLillo.

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