Ma note:
8,5/10
Voici la quatrième de couverture: «Perdu, couvert de sueur, je sentais à mes pieds la terre noire et nue. Là, entre les branches, il y avait quelque chose qui dépassait, quelque chose d'autre, d'étrange, d'imprécis. Et mon compagnon aussi regardait cela.- Un moineau.- Ouais.C'était un moineau. Un moineau à l'extrémité d'un fil de fer. Pendu. Avec sa petite tête inclinée et son petit bec ouvert. Il pendait à un mince fil de fer accroché à une branche. Bizarre.»
Le roman commence par un moineau pendu à arbre, mais ce n'est pas cela qui retient notre attention. C'est plutôt le style de l'auteur. Noir, obscur, sans aucun repère pour le lecteur. Ce qu'on ressent, c'est la chaleur des lieux, l'inconfort des personnages. Il est maître dans les descriptions, notamment avec ses énumérations, nombreuses, foisonnantes, justes. Sa plume est poétique. Le narrateur loue une chambre avec son ami Fuchs. Il repense au moineau pendu. Si un moineau prend la peine de se pendre...se dit le lecteur ? Mais non ! Forcément, un homme jouant le rôle de Dieu est intervenu. Bref, on poursuit notre lecture, sans trop comprendre. Et c'est là que l'enquête commence. Le temps s'étire. Le narrateur et son compagnon Fuchs poursuivent leur enquête. Enquête du néant ! Parce que le développement se fait attendre dans un environnement parfois absurde, parfois inquiétant, avec un point de vue subjectif, celui du centre de cette enquête grotesque. Nos deux protagonistes auront à découvrir l'histoire derrière cette pendaison de moineau, et cette histoire deviendra encore plus inquiétante quand ils retrouveront une flèche dans leur chambre, et ensuite, le narrateur se surprendra à se comporter bizarrement.
Globalement, "Cosmos" est un antiroman policier. Malgré la simplicité de l'enquête, il offre plusieurs rebondissements mais surtout nous fait vivre le sentiment d'étrangeté. Gombrowicz a influencé Kundera. On peut le rapprocher d'un Kafka (avec "Le château" et "La métamorphose" surtout). Il use de l'allégorie comme Camus. Il est aussi très proche des romans de Beckett (et de sa pièce "En attendant Godot"). Alors que Beckett se contente du thanatos, Gombrowicz ajoute une touche d'éros, notamment avec les fétichismes du narrateur, son obsession de la bouche. Il est un roman fait "d'instants", de recommencement où, comme le dit le narrateur " J'étais suspendu à cela, moi qui avais quitté les choses de là-bas, de Varsovie, et voilà que je tombais dans les choses d'ici, pour recommencer". On avance par tâtonnement dans ce roman. Le narrateur observe. Il peut passer quelques instants à regarder et décrire des choses simples qui deviennent élégantes dans son regard, un peu comme le fait John Keats dans ses poèmes, où la conscience désabusée débouche sur des instants enchanteurs.
C'est un excellent roman. Il a une facette ludique, de par sa proximité avec le roman policier. Écrivain de son temps, Gombrowicz utilise une forme et une structure romanesque en opposition aux classiques, où le style représente bien la pensée atrophiée du vingtième siècle et surtout l'horreur de ce siècle totalitaire, en perdition. À l'exception de Proust et de quelques autres, le vingtième siècle n'est pas dans le grand lyrisme hugolien et Gombrowicz en est un bon archétype. Les auteurs du siècle dernier charcutent leur prose et conséquemment leurs pensées, leurs idées, d'une façon volontaire ou non. Et malgré tout ce que j'ai écrit plus haut, la fin de ce roman-ci est éclairante et laisse le lecteur reposer, en paix !
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