mercredi 8 mai 2013

HHhH, Laurent Binet



Ma note: 8/10

Voici la présentation de l'éditeur: A Prague, en 1942, deux hommes doivent en tuer un troisième. C'est l'opération " Anthropoïde " : deux parachutistes tchécoslovaques envoyés par Londres sont chargés d'assassiner Reinhard Heydrich, chef de la Gestapo, chef des services secrets nazis, planificateur de la solution finale, " le bourreau de Prague ", " la bête blonde ", " l'homme le plus dangereux du IIIe Reich ". Heydrich était le chef d'Eichmann et le bras droit d'Himmler, mais chez les SS, on disait : " HHhH ". Himmlers Hirn heisst Heydrich - le cerveau d'Himmler s'appelle Heydrich. Tous les personnages de ce livre ont existé ou existent encore. Tous les faits relatés sont authentiques. Mais derrière les préparatifs de l'attentat, une autre guerre se fait jour, celle que livre la fiction romanesque à la vérité historique. L'auteur, emporté par son sujet, doit résister à la tentation de romancer. Il faut bien, pourtant, mener l'histoire à son terme.

Je lis rarement les auteurs français contemporains. D'une part, ils se regardent trop le nombril, ce qui en résulte à des histoires fades et souvent superficielles. Et d'autre part, leur style d'écriture s'est détérioré au fil des décennies, et comme exemple, on peut dire que de passer de Victor Hugo à Christine Angot, la chute est brutale. De plus, les auteurs français semblent fonctionner en circuit fermé, parce qu'il est très difficile pour un lecteur nord-américain comme moi de bien comprendre toutes les subtilités de leur récit, contrairement aux grands auteurs américains de notre époque, où la résonance universelle (et le talent) sont beaucoup plus marqués. Avec Laurent Binet, l'auteur qui nous intéresse ici, ces nombreux défauts sont encore présents, mais il s'ouvre un peu plus à la littérature mondiale. Son histoire est notamment universelle (les nazis), d'une autre époque, et même s'il se met en scène là où l'action ne le demandait pas, on sent qu'il parvient à toucher à des lecteurs non-français, ce qui est une petite révolution dans le contexte. D'autres sont parvenus à le faire, comme Le Clézio, Houellebecq et Emmanuel Carrère.

Parlant de ce dernier, il semble avoir eu une forte influence sur l'oeuvre de Laurent Binet. Le modus operandi est un peu le même, parce que Binet raconte l'histoire du point de vue de sa propre personne et quelquefois de sa propre famille. Il mêle l'histoire d'Heydrich, du nazisme, des héros parachutistes à la sienne en racontant comment il écrit le roman que l'on est en train de lire. Il mélange l'intime avec l'histoire avec un grand H. Son style me fait aussi penser à celui de Carrère, il écrit très bien avec un rendu simple mais non simpliste. Il ne tombe pas dans le grand lyrisme inutile (pour ce genre d'histoire), et la forme qu'il prend est intéressante, parce que le genre romanesque lui permet d'intégrer les faits historiques, le récit familial, la fiction, l'autobiographie. Et c'est pourquoi le roman (en général) est un art supérieur aux autres (dans le domaine des lettres s'entend), selon moi, parce qu'il peut contenir toutes les formes et quand même fournir une imagination débridée comme le fait si bien Laurent Binet. Il en résulte donc dans "HHhH" une sorte de métafiction où l'autobiographie de l'auteur nous permet de voir les ficelles qu'il tisse. Bien que cela ait déjà été fait dans le passé (et souvent), dans le roman historique c'est plutôt rare.

L'auteur voue une passion pour les deux héros de ce roman (héros au sens premier), qui ont bel et bien existé, mais ils font de brèves et courtes apparitions dans le livre. La première moitié est consacrée à l'histoire de l'écrivain, du nazisme, de Reinhard Heydrich et les deux résistants arrivent dans la deuxième moitié où l'on assiste à leur complot pour l'assassinat du nazi Heydrich.

En terminant, je dois dire que c'est Bret Easton Ellis qui m'a amené à ce livre en écrivant qu'il était exceptionnel. Je ne sais pas si c'est le cas mais c'est à tout le moins un bon livre. On pourrait le résumé en disant qu'il est une biographie de Reinhard Heydrich sous une forme métafictionnelle. L'auteur ne nous cache rien, même ses erreurs de parcours sont dévoilées au grand jour, ce qui est rare en littérature et plutôt dispensable. Le nazisme, par la force des choses, est aussi un des thèmes principaux de l'ouvrage, et même si l'on connaît son histoire par coeur, Binet amène un petit quelque chose de plus. Quant à Reinhard Heydrich, le centre de ce roman, Laurent Binet le décrit comme il le mérite, comme le plus froid des monstres.

2 commentaires:

  1. Très chouette article. C'est l'article d'un autre blogueur qui m'avait donné envie de lire ce roman et ce alors qu'il n'évoquait pas la dimension métalittéraire de l'oeuvre.. Du coup j'ai encore plus envie de le lire. D'ailleurs c'est très agréable de lire un article consistant et argumenté. Ca change. Bravo pour ton blog et le nombre délirant d'auteurs dont tu as parlé en tous cas.

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