lundi 23 avril 2012

Freedom, Jonathan Franzen


Ma note: 8/10

Voici la quatrième de couverture : La liberté, n’est-ce pas la valeur emblématique de notre époque ? Du moins si on vit aux États-Unis au tournant du XXIe siècle et qu’on a assez d’argent et de matière grise pour se lancer à la poursuite de son bonheur ? Libéré des carcans de la morale traditionnelle, de la religion, des soucis d’argent, chacun n'a-t-il pas le droit de se réaliser pleinement — ou de gâcher sa vie ? C’est le cas de la famille Berglund, Patty, Walter et leurs rejetons, Jessica et Joey. Les enfants sont libres de quitter la maison et de choisir le domaine d’études, le partenaire sexuel ou l’allégeance politique qui leur plaît. Après leur départ, leurs parents sont libres de poursuivre leurs rêves. Sauver une espèce d’oiseau menacée de disparition dans le cas de Walter. Sauver ce qui peut l’être de sa passion de jeunesse dans le cas de Patty. Avec une éblouissante virtuosité, un humour dévastateur, un art du personnage qui nous ramène à l’âge d’or du roman (songez à Tolstoï), Jonathan Franzen nous livre un portrait au vitriol de la société occidentale contemporaine, où l’écologie tient lieu de conscience, où la vertu s’appelle épanouissement personnel et où les seules valeurs « spirituelles » qui aient encore cours se résument par sex, drugs and rock ’n roll.

  Belle ironie que de lire cet auteur, tout à fait par hasard, après avoir lu Tolstoï, étant donné que plusieurs critiques le considèrent comme le Tolstoï de notre époque. De plus, "Guerre et paix", que je venais de lire, est discuté dans le roman. Ainsi, Franzen compare, par moments, les personnages de son roman à celui de Tolstoï et le personnage principal fait la lecture de "Guerre et paix" sous nos yeux. Bref, les références littéraires crédibles de Franzen apportent une touche de profondeur à son roman et à son propos. Par contre, de là à le comparer au géant russe, je ne ferai pas cette faute. Je ne crois pas que Jonathan Franzen traversera les siècles comme le "vrai" Tolstoï. Il y a un certain vide qui se dégage de ses romans, une certaine légèreté qui est difficilement explicable.

Par contre, j'ai bien aimé "Freedom", même si plusieurs choses m'ont frappé (dans le mauvais sens du terme) en le lisant et particulièrement sur son auteur. Franzen a une belle plume, qui se lit bien (malgré une traduction catastrophique comme l'était celle "Des corrections") et il ne brusque pas son lecteur avec des phrases trop percutantes, ce qui lui permet d'écrire 800 pages sans problème. Par contre, il n'a pas le souffle littéraire des autres Américains talentueux. Par là, j'entends Philip Roth, Paul Auster et Cormac McCarthy, entre autres. Il est peut-être l'écrivain de sa génération (même si je ne peux en être sûr parce que j'en ai lu trop peu) mais il n'atteint pas le niveau des auteurs américains de la génération précédente.

Pour ce qui est de "Freedom" en tant que tel, il est construit exactement de la même façon que "Les corrections" (à part quelques chapitres, notamment l'autobiographie d'un personnage central du bouquin). Ce sont deux romans très similaires, même dans le propos. Deux romans familiaux qui placent la fin du rêve américain en fond d'écran. Et c'est ce qui fait la force de ces deux livres. Ils ont une intrigue très subtile, une profondeur mais sans lourdeur et caché derrière tout cela, l'auteur tient un discours engagé (pour l'environnement, contre les patterns familiaux, contre l'hypocrisie des gens et de son pays, etc.) En fait, voici un bon auteur mais où le chef-d'oeuvre promis se fait encore attendre. Peut-être pour le prochain ?

lundi 16 avril 2012

La guerre et la paix, Tolstoï



Ma note: 10/10

Je me vois mal écrire un résumé pour cet énorme roman de quelque 2000 pages. Alors, pour faire simple, je vous renvoie au résumé de Wikipédia juste ici .

Aussi, je pourrais faire une critique de 300 pages seulement pour ce livre magnifique. Mais comme vous le savez - peut-être - mon blog n'a pas pour but d'écrire une thèse de doctorat à chaque fois que je lis un roman. Je me limite à l'essentiel et j'écris seulement sur mes impressions post-lectures. Je crois que la littérature est une question d'opinion - et de goût - alors mon commentaire sur tel ou tel roman vaut celui des autres. Pour "La guerre et la paix", encore plus que les autres romans, je me limiterai au strict minimum et je ferai donc très court.

Même si le titre a été emprunté à Proudhon par Léon Tolstoï, le résultat est qu'il est judicieusement choisi et il représente bien l'ensemble de l'oeuvre. En effet, l'auteur alterne entre les discussions de salon, la paix entre quelques guerres et la guerre en tant que telle. On se retrouve avec un bouquin qui peut plaire au plus grand nombre parce qu'il contient un peu de tout. Les passionnés d'histoire y trouveront fort probablement leur compte, tout comme les littéraires, les sociologues, les psychologues, les philosophes, etc. Le thème des francs-maçons est même très présent dans l'histoire de même que les relations familiales, étatiques, amicales, etc. Bref il y a de tout pour tous les goûts.

Le début du récit est par contre très ennuyeux, ce qui rebutera plusieurs lecteurs, notamment à notre époque où l'instantanéité règne en roi et maître. Cela prend environ 300-400 pages avant que le livre prenne son air d'aller. La fin, quant à elle, nous expose à deux épilogues où Tolstoï écrit davantage sur les idées qui touchent l'intellect comme le ferait un philosophe politique. Entre ces deux opposés, le milieu est constitué de batailles où Napoléon y joue un rôle central (lors de son entrée en Russie).

Tolstoï est l'écrivain le plus complet. Sans avoir la plus belle plume, ni les histoires les plus intéressantes, ni les thèmes les plus forts, il excelle partout et ainsi, selon moi (mais en étant objectif), je crois qu'il est l'écrivain le plus puissant. Parmi le grand nombre d'écrivains de son époque, il est un des rares qui a traversé les décennies et qui est encore lu aujourd'hui. Il est maintenant considéré comme un classique. Je crois même qu'il sera lu pour plusieurs siècles encore, comme c'est le cas de Cervantès.

Mais pour terminer, je ne saurais dire si je vous conseille réellement cette oeuvre majeure de la littérature mondiale. On doit avoir beaucoup de temps devant soi pour ne pas étaler la lecture sur plusieurs mois. Pour ma part, je l'ai lu en 10 jours et il était temps que je finisse. Mais bon, c'était une relecture et je pouvais lire de grandes parties en vitesse. Et il reste l'un de mes romans préférés à vie.

vendredi 6 avril 2012

Et vive l'aspidistra, George Orwell



Ma note: 8,5/10

Voici la quatrième de couverture: À travers l'histoire de la descente aux enfers de Gordon Comstock puis de sa rédemption, ce roman de l'auteur de 1984 est à la fois la satire du monde où l'argent a remplacé le divin et celle de la révolte individualiste et négative. Armé d'un humour corrosif, Orwell dénonce et ridiculise le conformisme de l'English Way of Life tel que le conçoit pour son salut un personnage qu'il traite pourtant avec tendresse. Car il s'agit pour l'auteur de sauver l'aspidistra, fleur symbole de l'Angleterre, c'est-à-dire la convivialité et l'humble désir de vivre. L'humanisme sans concession d'Orwell atteint ici le lecteur au plus profond de sa conscience.

Orwell n'est pas l'écrivain d'un seul livre. Même si "1984" est selon moi le plus grand chef-d'oeuvre du 20e siècle (et qu'Orwell est l'homme du 20e siècle, toujours selon moi), il a écrit un autre bijou avec "La ferme des animaux". Je ne connaissais pas les autres romans de ce grand écrivain et je découvre donc une autre de ses oeuvres avec "Et vive l'aspidistra". Et c'est excellent.

J'ai un parti pris certain pour ce roman parce que c'est comme si l'écriture d'Orwell s'adresse directement à moi. Un peu acide, mais pas trop, Orwell parvient à trouver le juste milieu dans toutes les facettes du style qu'un écrivain devrait avoir. Pour ce roman-ci en particulier, il commence son récit avec de très longues descriptions plus savoureuses les unes que les autres. Ensuite, on entre dans la vie du personnage principal et dans sa conscience. On croirait par moments lire une prose écrite à la première personne mais l'écrivain parvient à garder la troisième personne du singulier d'une façon que je m'explique mal. Ainsi, quand il redirige son action vers d'autres personnages que Gordon (le personnage principal), c'est comme s'il nous sortait de l'histoire et par le fait même, George Orwell parvient à nous déstabiliser. Ce qui est relativement rare en littérature.

Aussi, c'est le genre de livre que j'aime parce qu'entre autres, l'histoire, 80 ans plus tard, nous touche encore. Paul Auster avait écrit sur ce thème - du poète raté qui n'a pas assez d'argent pour survivre - avec son "Moon palace" mais d'une façon plus intimiste. Ici, avec "Et vive l'aspidistra", Orwell est davantage dans les dialogues que Paul Auster et la déchéance extérieure du personnage. Ses relations, son travail, son habitat, etc. Mais par-dessus tout, Orwell écrit un livre contre l'argent. Et sur ce point, ce n'est pas une réussite totale parce qu'il revient trop souvent sur le sujet de l'argent et ainsi, cela porte ombrage sur le reste de l'histoire.

La traduction est faible, très faible, et la plume de l'auteur n'est pas aussi mature que celle de "1984". Elle souffre d'un peu trop de désinvolture et certains passages ne sont plus d'actualité malgré un propos intemporel, ou presque. Mais si j'y vais avec mes goûts, je crois que c'est un chef-d'oeuvre. Parce que personnellement, je raffole de ce genre de roman et par moment, je croyais que l'auteur l'avait écrit pour moi.

mercredi 4 avril 2012

L'invention de la solitude, Paul Auster



Ma note: 8/10

Voici la quatrième de couverture: "Paul Auster est devenu écrivain parce que son père, en mourant, lui a laissé un petit héritage qui l'a soustrait à la misère. Le décès du père n'a pas seulement libéré l'écriture, il a littéralement sauvé la vie du fils. Celui-ci n'en finira jamais de payer sa dette et de rembourser en bonne prose le terrifiant cadeau du trépassé." Là se trouve — Pascal Bruckner le note d'emblée dans sa lecture — la clef de voûte du système Auster. L'Invention de la solitude est le premier livre du jeune écrivain, c'est aussi le livre fondateur de son œuvre, son art poétique. Dans les deux parties — Portrait d'un homme invisible (le père) et le Livre de la mémoire —, Paul Auster interroge la mémoire familiale et met en place un univers que l'on retrouvera dans chacun de ses romans.

On pourrait comparer ce livre, certains passages à tout le moins, à "Les mots" de Jean-Paul Sartre et à "Une histoire d'amour et de ténèbres" d'Amos Oz. Ce n'est pas vraiment un roman. La première partie est consacrée à la vie de son père et de ses grands-parents paternels. Il commente sa situation familiale d'un oeil pour le moins critique. Et lors de la deuxième partie, Auster nous offre une autobiographie très dirigée sur la place de l'écriture dans sa vie.

Les références de Paul Auster sont les mêmes tout au long de sa carrière et ici, dans son premier livre, il mettait la table pour son oeuvre futur. Alors, Emily Dickinson, Freud, Proust, Hölderlin et Thoreau - et d'autres - viennent se greffer aux autres thèmes de l'auteur comme l'identité, la solitude et la création littéraire. De plus, cet écrivain a un certain attachement à la culture de masse, notamment en écrivant beaucoup sur le baseball.

J'avais lu tous les romans d'Auster et pour boucler la boucle, j'ai décidé de lire celui-ci même si l'auteur a débuté avec la publication de cet essai (je crois que le genre de l'essai est ce qui se rapproche le plus de ce livre difficile à catégoriser). J'ai bien aimé mon moment de lecture mais je comprends pourquoi plusieurs n'ont pas appréciés. Cependant, je crois qu'il est préférable de ne pas commencer par celui-ci et en plus, on doit aimer ce romancier au préalable, parce que ce livre est très personnel.

Pour terminer, je dois glisser un mot sur la traduction. La traductrice, Christine Le Boeuf, est habituellement excellente pour traduire les livres de Paul Auster, mais ici, avec "L'invention de la solitude", c'est raté. Plusieurs mots sont mal agencés, ce qui donne des phrases difficilement lisibles, surtout dans la deuxième partie. C'est peut-être l'auteur qui voulait être trop original, mais le style d'écriture du "Livre de la mémoire" n'est pas à la hauteur de Paul Auster après une première partie courte mais efficace.

lundi 2 avril 2012

La montagne de l'âme, Gao Xingjian



Ma note: 8,5/10

Voici la présentation de l'éditeur: Dans les années quatre-vingts, un homme s’embarque dans un long voyage pour fuir les troubles du Pékin communiste. Il suit la piste d’une mystérieuse montagne et traverse une Chine méconnue, infiniment riche, qu’il n’imaginait pas… À la recherche de lui-même, son voyage est aussi spirituel et philosophique. Un roman poétique, teinté d’autobiographie, considéré comme l’un des chefs d’oeuvre de la littérature du XXe siècle.

Il ne fait aucun doute pour moi que ce roman est bien ancré dans le courant littéraire post-moderne. Ce qui frappe d'emblée, ce sont les narrateurs. Même si l'on suit le même personnage tout au long du roman, celui-ci utilise le "Je", le "Tu", le "Il" et le "Elle". Mais surtout, jamais le "Nous" et il explique d'ailleurs pourquoi dans le roman. Comme Paul Auster (autre auteur du post-modernisme), l'identité devient la pierre angulaire du récit. Ces différentes voix nous rappellent aussi les théories psychanalytiques de Freud (Le "Ça", le "Moi" et le "Surmoi").

Habituellement, je n'aime pas la narration au "Tu". J'avais lu cette narration dans un très mauvais roman, le "Contre Dieu" de Patrick Senécal, et par moment, Paul Auster l'utilise, notamment dans "Invisible". Avec ce dernier, les parties les plus faibles, selon moi, étaient celles écrites au "Tu". Mais avec "La montagne de l'âme", l'écrivain chinois Gao Xingjian parvient à réaliser l'impensable et rendre ce genre de narration parfaitement agréable.

Prix Nobel de littérature en 2000, Gao Xingjian fut le premier Chinois à recevoir ce prestigieux prix. C'était la première fois que je lisais un écrivain de ce pays et il m'a rappelé la littérature asiatique que j'avais lue auparavant (en grande partie japonaise). Comme eux, cet écrivain chinois n'a pas une plume impatiente comme on en retrouve trop souvent en Occident. Il ne bouscule pas le lecteur, malgré un style et une histoire originale, et il prend le temps de bien décrire, de bien poser son histoire.

Énorme bouquin de quelque 600 pages, "La montagne de l'âme" est le roman parfait pour bien pénétrer dans la littérature asiatique. Encore une fois, le comité du Nobel a récompensé un auteur qui méritait entièrement le plus international des prix littéraires. Pour ce qui est de l'histoire en tant que telle, malgré qu'elle soit linéaire dans sa construction, l'écrivain parvient à rendre le tout très subtilement, avec même des passages purement philosophiques et conceptuels. C'est un roman sur l'attente, sur la conquête de soi. Il est un de mes préférés des dernières années.