dimanche 25 mai 2014

Le dernier jour d'un condamné, Victor Hugo


Ma note: 8/10

Voici la présentation de l'éditeur: Cette oeuvre est absolument bouleversante. Sans artifice et sans grandiloquence, mais tout simplement, Victor Hugo, armé seulement de son talent, nous fait vivre intensément les derniers instants d'un être que la justice des hommes a condamné à mort. Espoirs et désespoirs, joies et souffrances, le séisme moral que subit cet homme, l'électrochoc de sa fin prochaine révoltent le lecteur. Ce livre est si fort, si intense, si éclatant, qu'au fond de notre âme quelque chose se fêle. Par cette fêlure, Hugo nous instille sa vérité et celle-ci enrobe notre conscience, la ronge de son horreur, nous montre l'ignominie de l'acte qui va être accompli ; et la fêlure devient fissure ; le flot de la verve hugolienne s'engouffre. Puis la fissure devient brèche, la vague de révolte émanant de ce texte nous submerge. A un certain moment de ce récit, l'intensité nous accule et, soit nous fermons le livre pour fuir notre responsabilité, soit quelque chose s'effondre et provoque un grand vide: le vide de la dureté, de la loi du talion. Avons-nous le droit de supprimer l'existence de quelqu'un en retour d'un quelconque crime, ou devons-nous nous faire un devoir de le sauver et d'aider à sa contrition ? Enfin, cet ouvrage de Victor Hugo nous interpelle sur une question toujours d'actualité à travers le monde : a-t-on le droit de supprimer un homme au nom de la loi ? Hugo y répond sans ambages.

L'incipit: "Condamné à mort! Voilà cinq semaines que j'habite avec cette pensée, toujours seul avec elle, toujours glacé de sa présence, toujours courbé sous son poids!" Le narrateur mourra dans les prochaines heures. Il était rempli de désir, comme tous et chacun, côtoyait le monde d'un regard amusé, son imagination n'avait de limites que ce que le monde pouvait lui apporter, sa liberté plus grande que toutes les prisons du monde. Mais plus maintenant, parce qu'il est captif. Il vit avec "l'idée" toujours présente, l'idée de la fatalité du meurtre contre sa personne. Du fond de son cachot, il repense à son procès, et il raconte en détail la journée du jugement : "L'air vif du matin me ranima. Je levai la tête. Le ciel était bleu, et les rayons chauds du soleil, découpés par les longues cheminées, traçaient de grands angles de lumière au faîte des murs hauts et sombres de la prison. Il faisait beau en effet." Il se souhaitait la mort plutôt que les travaux forcés à perpétuité. " [...] maintenant je distinguais clairement comme une clôture entre le monde et moi. " Cela fut son sentiment à la suite du prononcé de mort. Il ne le quittera plus, il sera coupé du monde. Les condamnés à mort deviennent aliénés de leur moi, et par-dessus tout de la vie. Nous apprenons aussi qu'il est en train d'écrire le journal de ses souffrances, un thème fort de cette novella.

On sent que plus l'histoire avance, plus il prend conscience de ce qui lui adviendra. Sa conscience se mêle à la nôtre. Un des buts conscients et inconscients de la littérature est de projeter le lecteur dans l'autre, en se coupant du monde le temps de la lecture et ainsi, on parvient mieux à comprendre l'autre qui est si différent de notre moi. En ce sens, "Le dernier jour d'un condamné" est le plus bel exemple qu'offre la littérature. C'est un roman à thèse, contre la peine de mort, où le message politique passe avant tout. Je n'ai jamais entendu Kundera parler de ce roman mais il a déjà dit que ce genre de roman, où le message de transformation de la société est plus important que la littérature en tant que telle, est la pire chose qui puisse arriver au roman. L'exemple qu'il donne est celui de "1984" de George Orwell, qui est un très mauvais roman selon lui. Ainsi, ces auteurs veulent faire passer leur message politique avant l'esthétique du roman, qui lui, doit primer sur tout. Mais il reste, selon moi, qu'Hugo développe sa novella dans un grand style et que le vocabulaire recherché, mais accessible, est une des clés de son esthétique. Même si l'on n'est pas dans le grand lyrisme de ses romans comme "Les misérables", "L'homme qui rit" et "Les travailleurs de la mer", il parvient à nous éblouir tout autant, en nous permettant de rentrer dans la tête d'un condamné à mort et en nous montrant que l'on meurt plusieurs fois lorsqu'on est condamné d'avance.

Contrairement à un Kafka, (pour qui la subtilité de ses nouvelles (et romans) fait partie intrinsèque de son œuvre et où il passe ses messages d'une façon allégorique), Hugo écrit presque toujours des récits non subtils, "évidents", avec une action lourde. Aussi, cette novella de Victor Hugo n'est pas aussi réaliste que "Souvenirs de la maison des morts" de Dostoïevski parce que ce dernier a déjà vécu le bagne et peut donc en parler en toute vérité. Par contre, pour terminer, la relecture de ce classique m'a été bénéfique parce que la première fois, il y a une dizaine d'années, il m'avait laissé froid. Cette fois-ci, j'ai vu l'ampleur du génie hugolien, comme il nous a habitués avec ses romans.

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