Ma note:
7,5/10
Voici la quatrième de couverture: Après la mort de son mari Rey Robres, Lauren Hartke, artiste, découvre bientôt qu'elle n'est pas seule avec son deuil, son corps à discipliner et son temps à organiser. II y a un intrus dans la maison, un squatter d'origine inconnue, un être étrange et comme "inachevé". De sa physionomie, de son destin, de la plupart de ses propos, Lauren ne décrypte rien mais, dans sa voix, peu à peu, elle croit entendre non seulement la sienne, mais celle de Rey, puis leurs voix conjuguées leurs dernières conversations peut-être... Dans cette éblouissante variation beckettienne sur le corps, sur l'art et sur la mort, Don DeLillo explore les abîmes de la conscience, du langage, de l'espace et du temps. Un voyage philosophique en forme de descente aux enfers, au coeur de la condition humaine.
Exercice de style très proche de la poésie, "Body art" débute en laissant le lecteur dans la brume, et DeLillo exploite à merveille son génie stylistique où il décrit le quotidien de Lauren Hartke enfermée avec un homme au nom inconnu (son mari?). Il n'y a rien de clair dans les pensées de la femme. Elle semble vivre à la limite de l'absurde et de la maladie mentale, très reculée du monde réel, très éloignée tant physiquement que psychologiquement. DeLillo a pour habitude d'avoir un style qui allie la prose poétique et cinématographique, ce qu'il tente ici, tant bien que mal parce que sa poésie jaillie davantage que la cinématographie, étant donné la difficulté de la chose. De plus, la prose poétique de l'écrivain se marie parfaitement avec un très court roman comme celui-ci. Ensuite, une courte partie nous apprend la mort de Rey, son mari. Il était réalisateur de films, et son corps a été retrouvé dans l'appartement de sa première femme. Et surtout, nous apprenons que Lauren Hartke était sa troisième femme, qu'elle pratique le body art et qu'elle vivait avec un alcoolique maniaco-dépressif. La suite du bouquin est la rencontre de Lauren avec son "double" intérieur, et cela devient extrêmement proche de la trilogie de Samuel Beckett composée de "Molloy", "Malone meurt" et "L'innommable".
En effet, cette influence n'est pas seulement présente mais elle est un peu trop grande. Cela s'explique d'abord par le grand enthousiasme que porte l'écrivain à Beckett mais aussi, selon moi, par le fait que tout a été tenté et "essayé" en littérature et que justement, Beckett est peut-être le dernier superbe inventeur que le domaine des lettres ait connu. Parce que depuis ce temps, tout est une question de référence, d'influence et de plagiat dans les cas extrêmes. Et ce, dans tous les genres de romans. Malgré les grandes qualités de Don DeLillo, celui-ci ne peut échapper à ce piège inéluctable.
Aussi, "Body art" manque un peu d'originalité parce que ce genre de récit, celui de retrouver le personnage principal seul et à l'écart de la société après un décès, a maintes fois été écrit. DeLillo joue sur le thème du double inexistant, de l'ombre intérieure théorisée en psychanalyse par Carl Jung. On peut retrouver le thème du double dans la littérature classique, moderne et contemporaine. Notamment, il y a "Le double" de Dostoïevski, "Opération Shylock" de Philip Roth et "L'autre comme moi" de José Saramago. Chacun traite le thème à sa façon et Don DeLillo a choisi un être extérieur à Lauren, et malgré sa grande différence physique, il reflète son ombre intérieure et son côté inachevé. "Body art" se démarque en ayant un deuxième angle d'analyse, soit le retour de Rey sous une forme différente, et même un troisième angle avec la possibilité d'analyser le roman strictement avec le sujet de l'art et plus particulièrement des possibilités infinies du body art.
N'ayant pas lu Beckett, je n'ai pas été gênée comme toi par cette influence.
RépondreEffacerJ'avais aimé l'ambiance étrange de ce roman, qui reste gravé dans ma mémoire comme une curieuse expérience.
C'est vrai que l'ambiance est étrange et c'est aussi vrai que c'est une curieuse expérience !
RépondreEffacerUn bon roman dans l'ensemble je crois...