Ma note:
8/10
Voici la citation qui tient lieu de quatrième de couverture : "Une fois dans la bibliothèque, il me fallut environ deux secondes pour mettre la main sur le Bartleby de Melville. Bartleby ! Herman Melville, Bartleby, parfaitement. Qui a lu cette longue nouvelle sait de quelle terreur peut se charger le mode conditionnel. Qui la lira le saura." Daniel Pennac.
Pour ceux qui ne connaissent pas cette novella d'une centaine de pages, c'est le récit d'un scribe, nouvellement embauché, et qui devient vite un employé modèle par sa compétence et sa méticulosité, entre autres. Mais après quelque temps, lorsque son supérieur lui donne une directive, il refuse en utilisant systématiquement cette courte phrase : "Je préférerais pas". Il revient encore et toujours avec cette phrase : "Je préférerais pas" qui devient "Je préférerais ne pas", qui redevient "Je préférerais pas" et ainsi de suite. Il dit cette phrase à chaque fois que son patron lui demande quelque chose, aussi minime cette demande soit-elle. Cela débouche sur un questionnement profond de ce même patron.
De Melville, j'avais lu son chef-d'oeuvre, "Moby Dick", où le style d'écriture parfait côtoyait une histoire intéressante avec des personnages d'une profondeur rare en littérature. Ici, on est dans la novella, un genre à mi-chemin entre le roman et la nouvelle. Cette novella fait une centaine de pages, ce qui est difficilement comparable avec "Moby Dick", un roman-fleuve. Mais malgré sa brièveté, cet ouvrage fut analysé par de nombreux penseurs du 20e siècle, notamment par les théoriciens de la French Théorie. Lors de ces analyses, à peu près toutes les hypothèses furent étudiées. Mais ce qui m'a particulièrement intéressé (même si je ne les ai pas lues au complet) c'est l'hypothèse de la négation du langage ou même, et c'est ce qui m'intéressera ici, de la négation de la vie par le héros de la novella. Il répète la même phrase "Je préférerais pas", ce qui place une volonté, un désir au début de la phrase, pour finir par une négation. Une négation comme la vie du héros, Bartleby. C'est comme si Melville démontrait, par cette seule phrase, l'affirmation de la vie, pour ensuite la rejeter, tout comme le fait Bartleby.
Écrit au "Je", du point de vue du supérieur de Bartleby (comme je l'ai déjà dit sur ce blog j'adore les narrations faites par des personnages secondaires ou davantage observateurs comme le fait souvent un Dostoïevsky) et donc, ce narrateur commence dès la première page à parler de Bartleby en écartant, d'une certaine façon, tous les autres scribes ou copistes qu'il a connus dans sa vie (il reviendra un peu sur les autres scribes mais pas longtemps). On est donc averti dès le départ que Bartleby est un personnage hors norme. Et personnellement, je rajouterai qu'il est un rebelle, un insoumis qui, par la négation de la vie et de l'autorité, fait passer les autres humains pour un troupeau optimiste et soumis. Et comme Moby Dick, il est seul contre tous !
En conclusion, je dois dire qu'il y a plusieurs autres angles d'analyses. En quatrième de couverture, Pennac semble attacher beaucoup d'importance au conditionnel de cette histoire (et surtout de cette phrase). Aussi, on peut prendre cette novella avec plus de légèreté, parce que c'est un bouquin parfois drôle, sur le refus de l'autorité, sur la différence, sur la solitude, sur la maladie mentale. Raconté d'une main de maître, ce fut un plaisir de retrouver le talent de Melville avec "Bartleby le scribe". C'est une novella à part dans le paysage littéraire...et elle est remarquable !
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