samedi 27 septembre 2014

Le coeur des ténèbres, Joseph Conrad


Ma note: 8/10

Voici la quatrième de couverture: Le Cœur des ténèbres s’inspire d’un épisode de la vie de Conrad en 1890 dans l’État libre du Congo mis en coupe réglée au profit de Léopold II. De cette expérience amère, l’écrivain a tiré un récit enchâssé dont chaque élément, à la façon des poupées russes, dissimule une autre réalité : la Tamise annonce le Congo, le yawl de croisière la Nellie le vapeur cabossé de Marlow, truchement de Conrad. Ces changements d’identité sont favorisés par les éclairages instables au coucher du soleil ou par le brouillard qui modifie tous les repères et dont émerge Kurtz. Présenté par de nombreux personnages bien avant d’entrer en scène, celui-ci fait voler en éclats toutes les définitions et finit par incarner le cœur énigmatique des ténèbres : le lieu où se rencontrent l’abjection la plus absolue et l’idéalisme le plus haut.

Le nom de naissance de Joseph Conrad, l'un des plus grands écrivains de la fin du 19e siècle et du début du 20e, est : Teodor Jozef Konrad Korzeniowski. Il est né en Ukraine, il est d'origine polonaise mais il est considéré comme un écrivain anglais. Il eut une carrière maritime, devint capitaine, et commença à écrire pendant cette période avant de se consacrer exclusivement à sa vie d'écrivain. "Le cœur des ténèbres" commença à sortir en 1899, pour finalement avoir une première publication en 1902. Sur 18 romans, il fut le quatrième de Joseph Conrad. C'est un roman à l'univers inquiétant, dépaysant pour les personnages, et pour le lecteur aussi.

Le style de Conrad, ténébreux et lumineux en même temps, est tout en élégance et en raffinement. Voyez la façon dont il ancre son décor : "L'estuaire de la Tamise s'étendait devant nous comme le début d'un cours d'eau sans fin. Au large, la mer et le ciel se confondaient absolument et, dans cet espace lumineux, les voiles brunies des barges poussées vers l'amont par la marée semblaient suspendues, rouges bouquets de toile aux pointes aiguës ou luisaient les livardes vernies." La première personne du singulier sert de narration et laissera la place à un deuxième narrateur. Et malgré la relative brièveté du bouquin (un peu plus de 150 pages), les descriptions abondent, foisonnent et enrichissent une histoire qui n'est aucunement simpliste. Les personnages secondaires du début s'effaceront complètement par la suite, à part l'un d'eux, qui lui, deviendra le personnage principal. Il y a le Juriste qui est le plus vieux, le Comptable, l'Administrateur, le narrateur, et Marlow qui est celui qui prendra la parole et deviendra d'un coup le personnage central du roman. Plus tard, le quête de Marlow l'amènera à nous parler du mystérieux M. Kurtz qui agira comme symbole et ainsi, sera l'objet de la quête ultime de Marlow. Lorsque Marlow commencera à raconter son histoire, ce sont les ténèbres qui laisseront leur place à d'autres cieux encore plus ténébreux. Pour la deuxième moitié du roman, Marlow rencontrera finalement M. Kurtz : "Il s'écoula exactement deux mois entre le jour où nous quittâmes la crique et celui où nous abordâmes au comptoir de Kurtz." Et cette rencontre bouleversera Marlow comme tous ceux qui rencontrent Kurtz. Conrad n'hésite pas à incorporer au récit des connaissances historiques, de la connaissance scientifique mais dans une moindre mesure que Melville dans son "Moby Dick". Aussi, Joseph Conrad décrit souvent le même décor mais en évitant toutes répétitions. Il n'est peut-être pas aussi allergique que Flaubert aux répétitions, mais il parvient à trouver le mot juste et rendre ses descriptions mystérieuses et intéressantes alors qu'un autre écrivain nous aurait ennuyés avec la même scène.

Comme je le disais plus haut, la lumière ne cesse de côtoyer les ténèbres et cela pourrait constituer les fondements de ce roman : "La lumière est sortie de ce fleuve depuis...les chevaliers, dites-vous ? Oui, mais c'est comme un incendie qui embrase la plaine, comme un éclair dans les nuages. Notre vie, c'est le tremblotement de lumière. Puisse-t-il durer aussi longtemps que continue à tourner cette vieille terre ! Mais les ténèbres étaient là hier." L'auteur ne cesse d'illustrer les ténèbres et la lumière de toutes sortes de manières. Pour les ténèbres, il emploie le procédé à toutes les sauces : "C'étaient des hommes capables d'affronter les ténèbres" (p.28) "[...] comme il convient d'ailleurs quand on s'empoigne avec les ténèbres." (p.29) "C'était devenu un lieu de ténèbres." (p.32) "[...] Les gardiennes de la porte des Ténèbres [...]" (p.38) "[...] où semblaient s'agiter faiblement des choses ténébreuses." (p.49) et ainsi de suite...et pour la lumière nous avons : "Un peu comme un émissaire de lumière" (p.42) et "[...] je sus que sous le soleil aveuglant de cette terre [...]" (p.51). Donc, la fréquence est moindre pour les descriptions "lumineuses", et cela nous conduit à penser, comme le titre de l'ouvrage en fait foi, et d'un point de vue allégorique, que les ténèbres l'emporteront toujours sur le lumineux.

Alors, pour terminer, il faut savoir que l'écriture coule (les conjonctions de subordination sont rares (les "que")), le vocabulaire est aussi vaste que la mer qu'il décrit à merveille. C'est un excellent roman. Toutefois, quand je lis ces grands auteurs pour la première fois, j'ai le réflexe de me procurer l'œuvre complète, mais ici, avec Joseph Conrad, je ne crois pas que je le ferai, pour une raison qui m'échappe...

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