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jeudi 10 octobre 2013

Je suis vivant et vous êtes morts, Emmanuel Carrère


Ma note: 7,5/10

Voici la quatrième de couverture: “Tout commence avec le souvenir d’un cordon de lampe qui n’existe pas. La plupart des gens se disent « c’est bizarre » et passent outre. Pas Philip K. Dick. Pour lui, c’est le début d’un doute incessant : sommes-nous vraiment réels ? Vivants ou bien morts ? L’existence de l’écrivain sera guidée par ces retournements, tour à tour époux modèle, grand psychotique, fervent catholique, junkie…”

Lorsqu'on est en présence d'une biographie signée Emmanuel Carrère, on est en droit de s'attendre à tout. Avec "L'adversaire" Carrère amenait des éléments autobiographiques au récit du tueur Jean-Claude Romand. Dans "Limonov", une autre biographie extraordinaire, Carrère nous présentait un auteur dont la vie rocambolesque dépassait l'entendement humain, et encore une fois, Carrère réussissait à incorporer des éléments autobiographiques. Cette grande fresque d'un homme d'action épousait le genre de la biographie parfaitement, ce qui lui a valu le prix Renaudot. Avec "Je suis vivant et vous êtes morts", biographie de mon écrivain de science-fiction préféré Philip K. Dick, cela est quelque peu différent parce que le voyage dont nous convie Carrère est davantage psychique.

L'œuvre de Philip K. Dick repose sur le titre qui coiffe ce bouquin. Une œuvre qui interroge la réalité au point où l'auteur (et conséquemment le lecteur) se demande si la réalité qui nous emprisonne est réellement "réalité" ou s'il y a quelque chose d'autre. D'où le "Je suis vivant et vous êtes morts" qui a pour but d'ébranler nos certitudes. Philip K. Dick n'était pas un enfant tout à fait comme les autres. Le sport ne l'intéressait pas, au grand dam de son père, mais il se passionnait plutôt pour la lecture, la musique et l'écriture. Adolescent, il consultait déjà un psychiatre, et sa mère, avec qui il vivait seul, était hypocondriaque. Tout cela a certainement nui à ce jeune garçon qui, une fois rendu adulte, devint psychotique. Il a commencé à écrire très jeune de la science-fiction pour devenir le génie que l'on connaît. Il devint écrivain professionnel de science-fiction à 24 ans, et c'est là que les choses devenaient intéressantes pour le lecteur. Il lâcha son emploi de disquaire pour se consacrer à l'écriture à temps plein. Il rencontrera le succès assez tard dans sa vie. Philip (celui qui aime les chevaux, selon l'étymologie) mena ce qu'on pourrait appeler une vie de bohème, bien qu'il fût par moments sédentaire à cause de ses problèmes psychologiques qui ne le quittèrent pas de sa vie. Pauvre, souvent incompris, il côtoya sa vie durant une foule de personnes non fréquentables pour la plupart des gens. Quand le film "Blade runner" sortit, il propulsa la célébrité de K. Dick à un autre niveau, mais ce dernier était déjà mort. Même s'il connut une certaine gloire de son vivant, il ne put goûter à l'immense succès de ce film, bien qu'il ait le temps d'empocher les droits d'auteur. Il passa la majorité de sa vie complètement paranoïaque et psychotique. Les grands esprits comme lui sont souvent incompris de leur vivant.

Donc, en terminant, il faut dire que cette biographie, savamment construite, laisse une place bien méritée à l'œuvre de Philip K. Dick sous forme de résumés de ses œuvres et de quelques explications. Par contre, le défaut de ce livre est de dévoiler la fin des romans de K. Dick. On doit avoir lu Philip K. Dick avant de se lancer dans cette biographie, c'est primordial. Contrairement à ses autres livres discutées plus haut, Carrère se fait plus discret dans celui-ci, en s'effaçant derrière sa prose, mais le style est un peu inférieur, étant donné qu'il est écrit par un écrivain encore en développement. Il a écrit "Je suis vivant et vous êtes morts" avec le plus grand des respects pour son sujet, et cela, c'est tout en son honneur.

lundi 10 septembre 2012

D'autres vies que la mienne, Emmanuel Carrère



Ma note : 7/10

Voici la quatrième de couverture : À quelques mois d'intervalle, la vie m'a rendu témoin des deux événements qui me font le plus peur au monde : la mort d'un enfant pour ses parents, celle d'une jeune femme pour ses enfants et son mari. Quelqu'un m'a dit alors : tu es écrivain, pourquoi n'écris-tu pas notre histoire? C'était une commande, je l'ai acceptée. C'est ainsi que je me suis retrouvé à raconter l'amitié entre un homme et une femme, tous deux rescapés d'un cancer, tous deux boiteux et tous deux juges, qui s'occupaient d'affaires de surendettement au tribunal d'instance de Vienne (Isère). Il est question dans ce livre de vie et de mort, de maladie, d'extrême pauvreté, de justice et surtout d'amour. Tout y est vrai.

Après "Un roman russe" inégal et d'autres romans plus ou moins bons, Carrère décide d'écrire sur la vie de gens qu'il a côtoyés. Ce roman russe était une autobiographie et ici, avec "D'autres vies que la mienne", l'autobiographie est toujours très proche, parce qu'il se met en scène - comme dans plusieurs autres de ses romans - et cela commence par son passage en Thaïlande lors du tsunami de 2004.

Après quelques dizaines de pages on se demande bien ce que nous offrira ce livre et ce qu'il restera à dire à l'auteur sur ces vagues, la plage, la douleur, l'angoisse. Parce que, comme je le disais, le roman commence lors du tsunami. Et d'un coup, il prend une autre direction qui m'a surpris en racontant la vie de gens qui ont souffert de tous les maux et qui, indirectement, sont ses proches. Le cancer y passe - et d'une façon plus générale la maladie -, de même que les ennuis financiers, la perte, les tourments. Parfois il creuse trop en profondeur, notamment en nous expliquant de fond en comble le système financier français et d'autres fois, l'ennui est très présent. Par contre, par moments, le récit des différentes vies dont nous offre le bouquin devient très touchant et Emmanuel Carrère nous accompagne avec une plume agréable au possible.

Donc, pour terminer, je dois dire que j'ai eu une légère déception. C'est un roman sans grand intérêt et comme la quatrième de couverture en fait mention, tout est vrai. La façon de raconter les différentes biographies nous rappelle celle de Paul Auster mais avec le côté imaginatif et merveilleux en moins. Et pour cause, le présent roman est véridique alors qu'Auster donne davantage dans la fiction. Aussi, on pourrait dire que "D'autres vies que la mienne" a une facette qui m'a déplu, celle du banal de la chose (à l'exception des premières pages). Ainsi, je ne pense pas relire ce livre dans un proche ou moyen avenir, contrairement à un "Limonov" qui lui, m'avait convaincu.

mardi 17 janvier 2012

La classe de neige, Emmanuel Carrère



Ma note: 7/10

Voici la quatrième de couverture: Dès le début de cette histoire, une menace plane sur Nicolas. Nous le sentons, nous le savons, tout comme il le sait, au fond de lui-même l'a toujours su. Pendant la classe de neige, ses peurs d'enfant vont tourner au cauchemar. Et si nous ignorons d'où va surgir le danger, quelle forme il va prendre, qui va en être l'instrument, nous savons que quelque chose est en marche. Quelque chose de terrible, qui ne s'arrêtera pas.

Comme je l'écrivais lors d'une précédente chronique, j'avais déjà lu "La classe de neige" il y a une dizaine d'année. Je ne m'en souvenais plus et c'est lors de ma lecture de l'excellent "Limonov" que ce fait m'est revenu à la mémoire. Le léger souvenir qui m'en restait était celui d'un roman assez éteint, banal et à limite de l'inutilité. Sans aller aussi loin lors de ma deuxième lecture, je ne crois pas que ce soit un grand roman. En tout cas, pas autant que les critiques, en général, l'ont affirmés.

Inspiré de "L'adversaire", que Carrère avait cessé d'écrire pour se concentrer sur "La classe de neige" (pour ensuite terminer l'écriture de cet "Adversaire"), le roman se passe presqu'au complet lors des vacances du petit Nicolas. On suit ses tourments et ainsi, la folie de son père nous est dévoilée, entre autres, avec l'inconscient du petit Nicolas qui refait surface sous forme de peur. Les moqueries des autres jeunes lors de la classe de neige y sont aussi pour quelque chose. Donc, pendant les 170 pages de ce roman, on assiste à cette classe de neige qui peu à peu, devient inquiétante pour tout le monde.

L'ambiance qu'a créée Carrère soutient à elle seule ce récit. C'est sans contredit la plus grande qualité du livre. Il y a un sentiment d'étouffement qui nous parvient grâce à la plume bien maitrisée de Carrère mais aussi, pour l'action et les situations judicieusement choisies par l'auteur, pour justement créer ce sentiment d'enfermement. Mais sinon, c'est un roman bien mince, souvent inintéressant et aussi pâle que la neige.

Donc, pour terminer, malgré de belles qualités stylistiques, en général, on s'ennuie lors de notre lecture. Par contre, le lien qu'on peut tracer dans l'oeuvre de Carrère, avec ce livre, nous permet d'apprécier la profondeur, sur le long terme, de l'oeuvre de cet écrivain français. "La classe de neige", c'est un peu le prélude de "L'adversaire", ou plutôt un complément à ce très grand livre.

dimanche 15 janvier 2012

Un roman russe, Emmanuel Carrère



Ma note: 7,5/10

Voici la quatrième de couverture: « La folie et l’horreur ont obsédé ma vie. Les livres que j’ai écrits ne parlent de rien d’autre. Après L’Adversaire, je n’en pouvais plus. J’ai voulu y échapper. J’ai cru y échapper en aimant une femme et en menant une enquête. L’enquête portait sur mon grand-père maternel, qui après une vie tragique a disparu à l’automne 1944 et, très probablement, été exécuté pour faits de collaboration. C’est le secret de ma mère, le fantôme qui hante notre famille. Pour exorciser ce fantôme, j’ai suivi des chemins hasardeux. Ils m’ont entraîné jusqu’à une petite ville perdue de la province russe où je suis resté longtemps, aux aguets, à attendre qu’il arrive quelque chose. Et quelque chose est arrivé : un crime atroce. La folie et l’horreur me rattrapaient. Elles m’ont rattrapé, en même temps, dans ma vie amoureuse. J’ai écrit pour la femme que j’aimais une histoire érotique qui devait faire effraction dans le réel, et le réel a déjoué mes plans. Il nous a précipités dans un cauchemar qui ressemblait aux pires de mes livres et qui a dévasté nos vies et notre amour. C’est de cela qu’il est question ici : des scénarios que nous élaborons pour maîtriser le réel et de la façon terrible dont le réel s’y prend pour nous répondre. »

Tout au long de ma lecture, je sentais un léger désappointement. Premièrement, la critique était très favorable à ce roman et même après le succès de "Limonov", plusieurs recommandaient plutôt la lecture d'Un roman russe. Mais surtout, je sens dans cette aventure de Carrère, qui est celle d'écrire son autobiographie (parce que c'est bien d'une autobiographie dont on parle), une volonté d'épater la galerie, et donc, les jurés de prix littéraires. Avec ce livre, réussi mais sans plus, j'ai vraiment senti que l'auteur voulait gagner un prix prestigieux.

Entre autres, parce que l'histoire et la langue vont dans plusieurs directions. Parfois écrit à la deuxième personne du singulier (ou presque), les récits se mêlent, s'entremêlent, se déplacent dans l'espace, le temps, etc. On croit que c'est un livre sur sa relation avec Sophie (sa conjointe) pour s'apercevoir que c'est peut-être plus un livre sur sa mère ou plutôt écrit pour sa mère. Enfin, plus globalement, je crois que c'est un récit familial, comme la littérature nous en offre souvent.

Ce n'est pas un mauvais bouquin, loin de là. Mais je m'attendais à plus. J'avais été enchanté par "Limonov" et paralysé par "L'adversaire". J'attendais donc qu'Un roman russe me procure un peu le même effet extrême si rare en littérature.

Certains passages sont plus réussis que d'autres. Parfois, on ne veut pas lâcher le livre mais à d'autres occasions, il nous tombe des mains.

Aussi, en terminant, il nous permet de voir le fil conducteur de l'oeuvre de cet écrivain. Écrit un peu en réponse à "L'adversaire", et même s'il a été écrit avant "Limonov", il porte le nom "russe" qui elle (la Russie) est abondamment discutée dans le livre sur Edouard Limonov. Alors, l'oeuvre de Carrère est peut-être inconsciente. En tout cas, c'est une piste qui est effleurée dans "Un roman russe". Et maintenant, pour poursuivre avec l'oeuvre de Carrère, j'entame "La classe de neige".

vendredi 25 novembre 2011

L'adversaire, Emmanuel Carrère



Ma note: 9/10

Voici la quatrième de couverture: « Le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand a tué sa femme, ses enfants, ses parents, puis tenté, mais en vain, de se tuer lui-même. L’enquête a révélé qu’il n’était pas médecin comme il le prétendait et, chose plus difficile encore à croire, qu’il n’était rien d’autre. Il mentait depuis dix-huit ans, et ce mensonge ne recouvrait rien. Près d’être découvert, il a préféré supprimer ceux dont il ne pouvait supporter le regard. Il a été condamné à la réclusion criminelle à perpétuité. Je suis entré en relation avec lui, j’ai assisté à son procès. J’ai essayé de raconter précisément, jour après jour, cette vie de solitude, d’imposture et d’absence. D’imaginer ce qui tournait dans sa tête au long des heures vides, sans projet ni témoin, qu’il était supposé passer à son travail et passait en réalité sur des parkings d’autoroute ou dans les forêts du Jura. De comprendre, enfin, ce qui dans une expérience humaine aussi extrême m’a touché de si près et touche, je crois, chacun d’entre nous. »

Après avoir lu l'excellent "Limonov" de Carrère, je me suis dis pourquoi ne pas lire ses oeuvres précédentes. Comme j'avais déjà vu le film "L'adversaire" mais que je ne me rappelais pas en détail l'histoire de Jean-Claude Romand, j'ai pensé que ce serait une bonne idée d'en faire la lecture. La quatrième de couverture décrit bien le sujet général de l'ouvrage, ou de la tragédie, mais le récit est d'une puissance rarement vu en littérature.

Comme pour "Limonov", Carrère se met en scène dans cette biographie de Romand. On traverse donc les frontières de la biographie en tant que telle et je crois que le meilleur mot pour décrire le genre de ce bouquin est "Récit". C'est le récit d'une et plusieurs vies, le récit d'une expérience. On ne se fait pas décrire des faits comme c'est le cas avec la plupart des biographies, mais on pénètre dans la tête de Jean-Claude Romand et dans celle d'Emmanuel Carrère.

Plus ce récit avance et plus on est dans le thème du mensonge, de la réalité trafiquée. Le lecteur ne sait plus où donner de la tête, Carrère nous faisant vivre une expérience littéraire d'une force inouïe. Le peu qu'il manquait dans "Limonov" on le retrouve avec "L'adversaire". Notamment une émotion à fleur de peau. Et jamais l'auteur ne tombe dans le "human interest" de bas étages.

Je conseille donc "L'adversaire" à tous. C'est un rare livre où l'histoire intéressante côtois une écriture presque parfaite mais avec une histoire vécue, où la fiction ne prend place que dans la tête du personnage principal. L'auteur nous amène plus loin qu'un simple roman ou qu'une simple biographie. En seulement quelque deux cents pages, Carrère réussi presque l'impossible. La perfection littéraire.

mercredi 9 novembre 2011

Limonov, Emmanuel Carrère



Ma note: 8/10

Voici la quatrième de couverture: Limonov n'est pas un personnage de fiction. Il existe. Je le connais. Il a été voyou en Ukraine ; idole de l'underground soviétique sous Brejnev ; clochard, puis valet de chambre d’un milliardaire à Manhattan ; écrivain branché à Paris ; soldat perdu dans les guerres de Balkans ; et maintenant, dans l’immense bordel de l’après-communisme en Russie, vieux chef charismatique d’un parti de jeunes desperados. Lui-même se voit comme un héros, on peut le considérer comme un salaud : je suspends pour ma part mon jugement.

Tout a été dit sur ce livre, je ne vois pas ce que je pourrai dire de plus. Seulement que je pensais que je lisais Carrère pour la première fois, mais je viens juste de me rendre compte que j'avais lu "La classe de neige" au Cégep. Je ne me rappelle même plus de l'histoire et si j'avais aimé.

Mais pour celui-ci, "Limonov", j'ai adoré, comme ma note en fait foi. Au-delà de l'écriture plus que correct de l'auteur, qui est ce qu'on peut s'attendre de mieux pour un écrivain contemporain (oui j'avoue que j'aime mieux la plume des classiques. Surtout que Carrère semble tellement peaufiner son écriture qu'elle devient quelque peu édulcorée. Il lui manque un peu de style parce que, peut-être est-elle trop parfaite. En tout cas, comme sa plume, le récit semble être travaillé jusqu'à l'épuisement. Mais ceci n'est peut-être que le talent de l'auteur.) c'est la vie de cet écrivain, cet Édouard Limonov qui est extraordinaire. C'est surtout cela qui est fascinant à cette lecture. C'est un livre réussi, je ne me suis pas ennuyé.

Par contre, je crois qu'on doit aimer la Russie (ou à tout le moins ce qui s'y passe, son histoire) pour bien apprécier ce très grand livre. Je croyais au départ qu'il faisait partie de l'oeuvre romanesque de l'auteur, mais j'ai vite réalisé que c'est une biographie à part entière. Bien sûr qu'il doit y avoir quelques passages inventés, par l'auteur ou le héros du bouquin, mais quelles biographies en ont pas?

Finalement, écarté du Goncourt à cause de son sujet (même si j'espère le contraire parce que sinon la France a sombré plus creux que je le croyais), il le méritait amplement selon moi. Je n'ai pas encore lu le gagnant (le Jenni) mais je ne pense pas qu'un autre Français puisse faire mieux que Carrère, parce que soyons honnête, à part Houellebecq et Carrère, je ne vois pas d'autres bons auteurs français contemporains. Je n'ai pas lu tous les auteurs non plus. Mais la force de la France en littérature, c'est certainement ses classiques. Bien que très bon, "Limonov" nous le prouve encore fois.